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Ottilie comprit que tout le monde approuverait nécessairement les paroles du Professeur, ce qui l’affligea profondément ; car il ne lui était pas permis de dire que, pour trouver tout dans la vie admirablement enchaîné et combiné, il lui suffisait d’arrêter sa pensée sur Édouard, tandis qu’en la détournant de cet homme adoré, elle ne voyait partout que désordre et confusion.

Charlotte répondit au Professeur avec une bienveillance adroite et calculée.

— Ma nièce et moi nous désirons depuis longtemps ce que vous venez de nous offrir. Dans l’état où je me trouve en ce moment, la présence de cette chère enfant m’est indispensable ; mais si après ma délivrance elle désire encore retourner à la pension pour y achever son éducation si heureusement commencée, je m’empresserai de l’y conduire moi-même.

Cette promesse, quoique conditionnelle, pénétra le Professeur de la joie la plus vive ; mais elle fit tressaillir Ottilie, car elle sentait qu’elle ne pourrait opposer aucun motif raisonnable à la réalisation de cette promesse. De son côté Charlotte n’avait cherché qu’à retarder la demande formelle du Professeur, tout en s’assurant de la réalité de ses intentions, dans lesquelles elle voyait un moyen favorable pour assurer l’avenir de sa nièce. Il est vrai qu’elle ne pouvait prendre ce parti qu’avec le consentement de son mari, dont elle attendait le retour immédiatement après la naissance de son enfant, se flattant toujours que le titre de père suffirait pour réveiller dans son cœur tous les devoirs et toutes les affections du mari, et qu’il s’estimerait heureux de pouvoir dédommager Ottilie de ses espérances trompées, on la mariant à un homme, si digne d’