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sur le mérite des pensionnats où leurs amis voulaient placer leurs enfants, qu’ils avaient pris le parti d’apprendre à connaître par eux-mêmes le plus célèbre de tous, celui où s’était formée la brillante Luciane. Leur mariage récent leur permettait de se livrer ensemble à cet examen qui, chez la Baronne, avait un motif secret et presque personnel.

Pendant son dernier séjour au château d’Édouard, Charlotte l’avait initiée à toutes ses inquiétudes et consultée sur les moyens de sortir de l’embarras dans lequel elle se trouvait ; car si d’un côté l’éloignement d’Ottilie lui paraissait plus que jamais nécessaire, de l’autre les menaces de son mari la mettaient dans l’impossibilité d’agir. La Baronne était femme à comprendre que dans une pareille situation on ne pouvait employer que des moyens détournés, et lorsque son amie lui parla de l’amour d’un des professeurs du pensionnat pour Ottilie, elle se promit d’exploiter ce sentiment pour arriver à un résultat décisif. Lorsqu’elle visita ce pensionnat, ce professeur seul captiva son attention ; elle l’interrogea sur Ottilie dont le Comte fit aussitôt un éloge pompeux. Cette jeune personne l’avait distingué de la foule des hôtes insignifiants dont se composait le cortège de Luciane, et s’était presque toujours entretenu avec lui. En lui parlant, elle apprenait à connaître le monde qu’Édouard lui avait fait oublier. Un même penchant les rapprochait, il ressemblait à celui qui unit un père à sa fille, et cependant la Baronne s’en était offensée. Si elle eût encore été à cette époque de la vie où les passions sont violentes, elle aurait sans doute persécuté la pauvre Ottilie. Heureusement pour cette jeune fille l’âge l’avait rendue plus calme et elle ne forma contre elle d’autres projets que