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— Je vous entendrais, moi, dit Ottilie d’un air caressant, si vous vouliez me parler.

— Très-volontiers, mais ne me trahissez pas ; voici mon système : Il faut élever les hommes pour en faire des serviteurs, et les femmes pour en faire des mères !

— Les femmes pourraient se soumettre à votre arrêt, répondit Ottilie en souriant, car si toutes ne deviennent pas mères, toutes en remplissent les devoirs envers les divers objets de leur affection ; mais nos jeunes hommes ! comment pourraient-ils adopter un principe qui les condamne à servir ? Leurs moindres paroles, leurs gestes mêmes ne prouvent-ils pas que chacun d’eux se croit né pour commander.

— Voilà pourquoi il faut se garder de leur parler de ce principe. Tout le monde cherche à se glisser à travers la vie en la cajolant, mais elle ne cajole jamais personne. Qui de nous aurait eu le courage de faire volontairement, et au début de sa carrière, les concessions que le temps finit toujours par nous arracher malgré nous ? Mais brisons sur un sujet qui n’a rien de commun avec le cercle d’activité que vous vous êtes créé ici, et laissez-moi plutôt vous féliciter de n’avoir affaire qu’à des élèves dont l’éducation se renferme dans le domaine de l’indispensable. Quand vos petites filles promènent leurs poupées et faufilent de jolis chiffons pour les habiller, quand leurs sœurs aînées cousent, tricotent et filent pour elles et pour le reste de la famille, dont chaque membre s’utilise à sa façon, le ménage marche pour ainsi dire de lui-même ; et la jeune fille n’a presque rien à apprendre pour diriger à son tour un ménage, car elle retrouvera chez son mari tout ce qu’elle a quitté chez ses parents.

Dans les classes élevées la tâche est plus difficile, car