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dans tout l’éclat de sa beauté et de ses grâces. Les filles qui la soutenaient étaient jolies, mais elle les avait si prudemment choisies, qu’aucune ne pouvait lui porter ombrage. Il est inutile, sans doute, d’ajouter qu’Ottilie fut toujours exclue par elle de la représentation de tous ces tableaux. L’homme le plus beau de la société, et le plus imposant en même temps, avait été chargé d’occuper le trône d’or du grand roi, si semblable à Jupiter ; ce qui acheva de donner à l’ensemble un cachet de perfection qui tenait du merveilleux.

La réprimande paternelle de Terburg, que la belle gravure de Wille a rendue familière à tous les amis des arts, était le sujet du troisième tableau, aussi intéressant dans son genre que les deux premiers.

Un vieux chevalier assis et les jambes croisées semble parler à sa fille avec l’intention de toucher sa conscience. L’expression de ses traits et de son attitude prouve, toutefois, qu’il ne lui dit rien d’humiliant, et qu’il est plutôt peiné qu’irrité. La contenance de la jeune personne, debout devant lui, mais dont on ne voit pas le visage, annonce qu’elle cherche à maîtriser une vive émotion. La mère, témoin de la réprimande, a l’air embarrassée ; elle regarde au fond d’un verre plein de vin blanc qu’elle tient à la main et dans lequel elle parait boire à longs traits.

En choisissant la position de la fille réprimandée, Luciane savait sans doute qu’elle lui fournirait l’occasion de faire ressortir tous ses avantages. Il était en effet impossible de voir quelque chose de plus beau et de plus suave que les tresses de ses longs cheveux bruns, que les contours de sa tête, de son cou, de ses épaules. Sa taille, que les modes du jour cachaient et déguisaient si désagréablement, se dessinait avec une grâce parfaite