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perdit dans la foule. Non-seulement il n’avait point apporté ses dessins, mais il semblait avoir oublié qu’on les lui avait demandés. Ottilie l’accusa intérieurement et avec chagrin du peu de cas qu’il faisait de sa prière. Au reste, elle ne lui avait adressé cette prière que pour procurer à son futur cousin une distraction agréable ; car il était facile de voir que, malgré son amour sans bornes pour Luciane, il souffrait parfois de ses extravagances.

Bientôt les singes firent place à une splendide collation, à laquelle succédèrent des danses animées. Puis il y eut un moment de causerie paisible, et les jeux bruyants recommencèrent de nouveau et se prolongèrent bien avant dans la nuit. Luciane, que le pensionnat avait accoutumée à une vie réglée, s’était promptement façonnée aux allures du monde élégant et dissipé, et jamais elle ne pouvait ni se coucher ni se lever assez tard.

Malgré les nombreuses occupations dont elle était surchargée, Ottilie ne négligea point son journal ; elle n’y inscrivit cependant pas des événements, mais des pensées et des maximes que nous n’osons pas lui attribuer. Il est probable qu’elle les puisa dans un livre qu’on lui avait prêté, et dont elle s’appropria tout ce qui portait le cachet de son caractère ; car on y retrouve toujours le fil rouge des cordages de la marine royale d’Angleterre.

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EXTRAIT DU JOURNAL D’OTTILIE.

« Nous aimons à regarder dans l’avenir, parce que nous espérons que nos vœux secrets dirigeront en notre faveur les chances du hasard qui s’y agitent.