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juger les peintures dont l’Architecte se disposa à orner la voûte et les places vides des murailles de la chapelle. Ses couleurs étaient prêtes, ses mesures prises, ses cartons dessinés. Trop modeste pour prétendre à la création, il se borna à reproduire avec goût et intelligence les délicieuses figures et les ornements antiques dont il possédait les esquisses et les plans.

L’échafaudage était dressé et son travail s’avançait rapidement, car les fréquentes visites de Charlotte et d’Ottilie doublaient son courage et enflammaient son imagination. De leur côté, les dames ne pouvaient se lasser d’admirer ces vivantes figures d’anges dont les draperies savamment éclairées, se détachaient si bien de l’azur du ciel, et qui, par leur cachet de piété simple et calme, invitaient à une douce méditation.

Un jour l’artiste avait fait monter Ottilie près de lui sur son échafaudage. La vue d’objets commodément étalés, et dont elle avait appris à se servir à la pension, éveilla tout à coup chez cette jeune fille un sentiment artistique dont elle n’avait jamais supposé l’existence ; et, saisissant la palette et les pinceaux, elle termina très-heureusement une draperie commencée.

Satisfaite de voir sa nièce s’occuper ainsi, Charlotte devint plus solitaire ; l’isolement était un besoin pour elle, car là, seulement, il lui était possible de se livrer aux tristes pensées qu’elle ne pouvait communiquer à personne.

L’agitation fiévreuse et les tourments outrés que les événements les plus communs causent aux hommes vulgaires, nous font sourire de pitié ; mais nous nous sentons pénétrés d’un saint respect quand nous voyons devant nous un noble cœur où le destin mûrit une de ses plus mystérieuses combinaisons, sans lui permettre