Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

utiliser leur science ; des voyageurs, sans profiter de leurs récits ; des cœurs aimants, sans chercher à mériter leur affection ? Cette vérité ne s’applique pas seulement aux individus que nous avons vus passer ; non, elle est l’exacte mesure de la conduite des familles envers leurs plus dignes parents, des cités envers leurs plus estimables habitants, des peuples envers leurs meilleurs princes, des nations envers leurs plus grands citoyens.

J’ai entendu plusieurs fois demander pourquoi on louait les morts sans restriction, tandis qu’un peu de blâme se mêle toujours au bien qu’on dit des vivants ; et alors des hommes sages et francs répondaient qu’on agissait ainsi parce qu’on n’avait rien à craindre des morts, et qu’on était toujours exposé à rencontrer, dans les vivants, un rival sur la route que l’on suivait soi-même. En faut-il davantage pour prouver que notre sollicitude à entretenir des rapports vivants entre nous et ceux qui ne sont plus, ne découle point d’une abnégation grave et sacrée de nous-mêmes, mais d’un égoïsme railleur.


Excités par la conversation de la veille, on visita, dès le lendemain matin, le cimetière, et l’Architecte donna plus d’un heureux conseil pour embellir ce lieu. L’église, qui déjà avait attiré son attention, devait également devenir l’objet de ses soins. Cet édifice, d’un style éminemment allemand, existait depuis plusieurs siècles. Il était facile de reconnaître la manière et le génie