Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée

dessins représentant les ornements funéraires des genres les plus opposés ; mais il me semble que le plus beau de tous sera toujours l’image de l’homme, dont on veut perpétuer le souvenir. Elle seule donne une juste idée de ce qu’il a été, et devient un texte inépuisable pour les notes et les commentaires les plus variés. Il est vrai qu’elle ne saurait remplir ces conditions que si elle a été faite à l’époque la plus favorable de la vie de celui qu’elle représente, ce qui arrive fort rarement, car on ne songe point à reproduire des formes encore vivantes. Quand on a moulé la tête d’un cadavre et posé un pareil marbre sur un piédestal, on ose lui donner le nom de buste. Hélas ! où sont-ils, les artistes capables de rendre le cachet de la vie aux empreintes de la forme que la mort a frappée ?

Vous défendez mes opinions sans le vouloir et sans le savoir peut-être, dit Charlotte. L’image de l’homme est indépendante du lieu où on la place ; partout où elle est, elle est pour elle-même ; il serait donc impossible de la réduire à orner des tombes véritables, c’est-à-dire le coin de terre dans lequel se décompose l’être qu’elle représente. Faut-il vous dire ma pensée tout entière à ce sujet ? Les bustes et les statues, considérés comme monuments funéraires, ont quelque chose qui me répugne. J’y vois un reproche perpétuel qui, en nous rappelant ce qui n’est plus, nous accuse de ne pas assez honorer ce qui est. Et comment pourrait-on, en effet, ne pas rougir de soi-même, quand nous songeons au grand nombre de personnes que nous avons vues et connues, et dont nous avons fait si peu de cas ? Combien de fois n’avons-nous pas rencontré sur notre route des êtres spirituels, sans nous apercevoir de leur esprit ? des savants, sans