Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée

âme fut bouleversée en lisant le passage suivant de la lettre de Charlotte :

« Souviens-toi de l’heure nocturne où tu vins visiter ta femme en amant aventureux, où tu l’attiras presque malgré elle dans tes bras, sur ton cœur !… Ne voyons plus désormais dans cet événement bizarre qu’un arrêt de la Providence. Oui, la Providence a resserré nos rapports par un lien nouveau, au moment même où le bonheur de notre vie était sur le point de s’anéantir ! »

Lorsqu’un gentilhomme se trouve réduit à chercher les moyens de s’arracher à lui-même et de tuer le temps, la chasse et la guerre se présentent naturellement à son esprit.

Nous ne chercherons pas à donner une juste idée de tout ce qui se passait alors dans le cœur d’Édouard. Craignant de succomber dans le combat qu’il se livrait à lui-même, il éprouva le besoin de braver des périls matériels. Au reste, la vie lui était devenue si insupportable, qu’il se fortifiait avec complaisance dans l’idée que sa mort seule pouvait rendre le repos à ses amis, et surtout à sa chère Ottilie.

Ses sinistres projets ne rencontrèrent aucun obstacle, car il ne les confia à personne. Son premier soin fut de faire son testament avec toutes les formalités nécessaires, et il se sentit presque heureux en dictant la clause par laquelle il léguait à Ottilie, la métairie qu’il habitait depuis sa fuite du château ; puis il régla les intérêts de Charlotte et de son enfant, assura l’avenir du Capitaine, et fit des pensions à tous ses serviteurs.

Une guerre nouvelle venait de succéder à un court intervalle de paix. Dans sa première jeunesse, le Baron s’était trouvé sous les ordres d’un chef d’un mérite très-médiocre qui l’avait dégoûté du service. Un grand Capitaine