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de la part de Charlotte, mais qu’il ignorait complètement ce qui se passait au château, où il n’était pas retourné depuis le jour où il en avait été chassé par l’arrivée du Comte et de la Baronne, son cœur se serra et il se renferma dans un silence absolu.

Mittler comprit que pour l’instant, du moins, il fallait renoncer au rôle de médiateur, et accepter franchement celui de confident. Le Baron céda au besoin d’épancher ses douleurs, et son vieil ami l’écouta sans le blâmer ; il se borna seulement à lui reprocher avec beaucoup de douceur la retraite absolue à laquelle il s’était condamné.

— Et comment, s’écria Édouard, pourrais-je supporter l’existence ailleurs que dans la solitude ? là, du moins, je puis toujours penser à elle, je la vois marcher et agir, et mon imagination lui fait faire tout ce que mon cœur désire. Elle m’écrit des lettres pleines d’amour et m’avoue qu’elle cherche le moyen d’arriver jusqu’à moi ! Eh ! n’est-ce pas ainsi, en effet, qu’elle devrait se conduire ? J’ai promis de m’abstenir de toute démarche qui pourrait nous rapprocher ; mais elle, rien ne la retient ! Ou bien Charlotte aurait-elle eu la cruauté de lui arracher le serment de ne point m’écrire, de ne point chercher à me revoir ? c’est probable, c’est naturel ; et cependant, si cela était, je ne pourrais m’empêcher de dire que cela est inouï, horrible !

Ottilie m’aime, je le sais, qu’elle vienne donc se jeter dans mes bras ! Cette pensée me domine au point qu’au plus léger bruit mes regards se fixent vers la porte, comme si je devais la voir entrer. Je m’y attends, je l’espère, je le crois ; il me semble que tout ce qui est impossible doit devenir facile. Si la vie vulgaire a pour nous des obstacles insurmontables, rien au moi