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il s’agit seulement de bien nous entendre afin d’éviter le scandale.

— Je conviens, reprit Charlotte, qu’il faut, avant tout, assurer à Ottilie une position avantageuse. Deux partis se présentent à cet effet : nous pouvons la renvoyer à la pension, puisque ma tante a fait venir près d’elle Luciane, qu’elle veut introduire dans le grand monde. D’un autre côté, une dame respectable, riche et noble, est prête à la recevoir chez elle, en qualité de compagne de sa fille unique, et de la traiter, sous tous les rapports, comme sa propre enfant.

Édouard reconnut enfin qu’il s’était trompé sur les intentions de sa femme, et répondit avec nu calme affecté :

— Depuis son séjour au château, Ottilie a contracté des habitudes qui lui rendraient, je le crois du moins, un changement de position fort peu agréable.

— Nous avons tous contracté des habitudes folles, funestes ! toi surtout, dit vivement Charlotte. Cependant il arrive une époque où l’on se réveille de ses rêves dangereux, où l’on sent la nécessité de les sacrifier à ses devoirs de famille.

— Tu conviendras, sans doute, qu’il serait injuste de sacrifier Ottilie à ces prétendus devoirs de famille ? Et, certes, la repousser, l’envoyer loin de nous, ce serait la sacrifier. La fortune est venue chercher le Capitaine ici, aussi avons-nous pu le voir partir sans regret et même avec joie. Attendons ; qui sait si un avenir brillant n’est pas réservé à Ottilie ?

Charlotte ne chercha pas à maîtriser son émotion, car elle était décidée à s’expliquer sans détour.

— L’avenir qui nous est réservé est assez clair : tu aimes Ottilie ; elle aussi nourrit depuis long te