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jeune fille de la route funeste où elle s’était engagée, plus elle sentait qu’elle-même était bien loin encore de se retrouver sur le chemin du devoir.

Forcée ainsi de garder le silence, elle se borna à tenir les amants éloignés l’un de l’autre, ce qui ne rendit pas la position meilleure. Les allusions délicates par lesquelles elle cherchait parfois à avertir Ottilie, ne produisirent aucun effet ; car Édouard était parvenu à lui prouver que sa femme aimait le Capitaine, et que, par conséquent, elle aussi désirait le divorce, pour lequel il ne s’agissait plus que de trouver un prétexte décent. Soutenue par le sentiment de son innocence, elle croyait pouvoir sans crime s’avancer vers le but où elle devait trouver un bonheur si ardemment désiré ; elle ne respirait plus que pour Édouard : cet amour l’affermissait dans le bien, embellissait sou cercle d’activité et la rendait plus expansive envers tout le monde ; elle se croyait au ciel sur la terre.

C’est ainsi que nos quatre amis continuèrent à vivre, en apparence du moins, de leur vie habituelle. Rien dans leurs allures n’était changé, ainsi que cela arrive souvent dans les positions les plus terribles ; tout est remis en question, les habitudes quotidiennes suivent leur cours ordinaire, comme si rien ne menaçait cette existence paisible.


Le Capitaine venait de recevoir deux lettres du Comte : l’une, qu’il devait montrer à ses amis, contenait des promesses, des espérances ; l’autre, écrite pour lui seul, renfermait