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Capitaine, qui s’en alarma sérieusement. On était convenu de faire marcher les travaux lentement et, d’un commun accord, Édouard les faisait aller à pas de géant et au gré de ses désirs à lui. La métairie était vendue, Charlotte avait encaissé le premier paiement, et cette somme, qui devait suffire jusqu’au second terme, se trouva épuisée en peu de semaines. Était-il juste, était-il possible de l’abandonner dans un pareil embarras ? Lors même que le Capitaine n’aurait eu que de l’amitié pour elle, il se serait cru obligé de la seconder. Il lui expliqua donc franchement ses craintes et ses inquiétudes. Tous deux comprirent qu’ils chercheraient en vain à arrêter Édouard, et qu’au reste il valait mieux terminer les travaux tant que le Capitaine pouvait encore les diriger. Ces divers motifs leur firent prendre la résolution d’emprunter une somme suffisante pour achever tout ce qui était commencé, dans le plus court délai possible.

Ces arrangements les avaient rapproches de nouveau, et ils s’expliquèrent sur la passion d’Édouard pour Ottilie. Déjà Charlotte avait sondé le cœur de cette jeune fille, et acquis la certitude qu’elle partageait cette passion. Dans un pareil état de choses il n’y avait pas d’autre moyen de salut possible que de séparer les amants. Le hasard venait de lui fournir un prétexte pour rendre cette séparation simple et facile, car la grande tante de Luciane, charmée des brillantes qualités de cette jeune personne, l’avait appelée près d’elle pour l’introduire dans le grand monde, ce qui rendait le retour d’Ottilie à la pension aussi simple que naturel.

Constamment guidée par la raison, Charlotte se croyait en droit d’espérer qu’après le départ d’Ottilie et du Capitaine, elle parviendrait facilement à rétablir ses rapports