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Là on lui apprit qu’Ottilie s’était enfermée dans sa chambre.

La certitude qu’elle travaillait pour lui le flattait, mais le désir de l’entretenir avant le retour de sa femme et du Capitaine, l’emportait sur tout autre sentiment. Chaque instant de retard augmentait son impatience. Il commençait à faire nuit, on venait d’allumer les bougies, lorsque la jeune fille entra enfin au salon. La vive satisfaction qui brillait sur ses traits lui donnait un charme nouveau, l’idée d’avoir pu faire quelque chose agréable à son ami l’élevait au-dessus d’elle-même.

— Voulez-vous collationner cet acte avec moi ? dit-elle, en posant l’original et la copie sur la table.

Surpris et embarrassé, le Baron feuilleta la copie en silence. Il remarqua d’abord une gracieuse et timide écriture de femme, mais peu à peu le trait devenait plus hardi et se rapprochait du sien ; sur les dernières pages enfin, la ressemblance était si parfaite qu’il en fut presque effrayé.

— Au nom du Ciel ! s’écria-t-il, qu’est-ce que cela ? On dirait que ces pages ont été écrites par moi.

La jeune fille le regarda avec une expression ineffable de joie et de satisfaction intérieure.

— Tu m’aimes donc ? murmura Édouard, oui, Ottilie, tu m’aimes !

Ils étaient dans les bras l’un de l’autre, sans savoir lequel des deux avait le premier ouvert ou tendu les siens.

Le monde avait changé de face pour le Baron. Debout devant la jeune fille, son regard brûlant plongeait dans le regard timide de la belle enfant ; ses mains tremblantes