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Connaissant la cour et le monde politique, heureux d’avoir vu sa noblesse renouvelée, il se fit un nom en osant se mêler aux divers mouvements qui se manifestaient dans l’Église et l’État. Il écrivit le Comte de Rivera, roman didactique, dont le contenu est annoncé parle second titre, l’Honnête homme à la cour. Cet ouvrage fut bien accueilli, parce qu’il imposait la moralité aux cours, où ne règne d’ordinaire que la prudence, et son travail lui valut l’estime et l’approbation. Un second ouvrage, qu’il publia, devait au contraire compromettre son repos. Il écrivit la Seule religion véritable, livre qui avait pour objet d’encourager la tolérance, particulièrement entre luthériens et calvinistes. Là-dessus, il entra en querelle avec les théologiens ; le docteur Benner, de Giessen, écrivit contre lui ; de Loen répliqua ; la querelle devint violente et personnelle, et les désagréments qui s’ensuivirent décidèrent l’auteur à accepter une place de président à Lingen, sur les offres de Frédéric II, qui croyait voir en lui un homme sans préjugés, éclairé et favorable aux nouveautés, déjà bien plus répandues en France. Ses anciens amis, qu’il avait quittés avec quelque amertume, assuraient qu’il ne serait pas, qu’il ne pourrait pas être heureux à Lingen, petite ville qui ne pouvait nullement se comparer à Francfort. Mon père ne croyait pas non plus que le président eût lieu d’être satisfait, et il assurait que le bon oncle aurait mieux fait de ne pas se lier avec le roi, parce qu’en général il était dangereux de l’approcher, si extraordinaire que fût d’ailleurs son mérite. Car on avait vu comme le célèbre Voltaire avait été indignement arrêté à Francfort, sur la réquisition de Freitag, le résident prussien, après avoir joui de toute la faveur du roi, son élève en fait de poésie française. Dans ces occasions, les réflexions et les exemples ne manquaient pas pour nous tenir en garde contre les cours et le service des grands, dont un bourgeois de Francfort pouvait à peine se faire une idée.

Je me bornerai à nommer un excellent homme, le docteur Orth, car je n’ai pas tant à élever ici un monument aux hommes qui ont honoré Francfort, qu’à mentionner ceux dont la réputation ou la personne ont eu sur moi, dans mes premières années, une certaine influence. Le docteur Orth était riche et du nombre de ceux qui ne prirent jamais part au gouvernement, quelque