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difficiles étaient éligibles au conseil, quoique stationnaires à leur place. Les autres contre-poids constitutionnels, les institutions formelles et tout ce qui se rattache à une pareille constitution, ouvraient à beaucoup de gens un champ pour leur activité, tandis que le commerce et l’industrie, vu l’heureuse situation de la ville, n’étaient en aucune façon empêchés de s’étendre. La haute noblesse vivait pour elle, sans être enviée ni presque remarquée ; une seconde classe, qui s’en rapprochait, devait déjà déployer plus d’activité, et, s’appuyant sur d’anciennes et puissantes bases de famille, cherchait à se rendre considérable par la connaissance du droit et de la politique. Les soi-disant réformés composaient, comme en d’autres villes les réfugiés, une classe distinguée, et même, quand ils se rendaient le dimanche à Bockenheim, dans de beaux équipages, pour assister à leur service divin, c’était toujours une sorte de triomphe sur la portion de la bourgeoisie qui avait le privilège de se rendre à pied à l’église, que le temps fût bon ou mauvais. Les catholiques étaient à peine remarqués, mais ils avaient eux-mêmes observé les avantages que les deux autres confessions s’étaient appropriés.



LIVRE XVIII.


Je reviens à la littérature et je dois signaler une circonstance qui eut sur la poésie allemande de cette époque une grande influence, et qui est particulièrement remarquable, parce que l’action dont je parle s’est fait sentir jusqu’à nos jours dans tout le cycle de notre poésie et qu’elle ne peut cesser dans l’avenir. Dès les plus anciens temps, les Allemands étaient accoutumés a la rime. Elle offrait cet avantage, qu’on pouvait procéder d’une manière très-naïve, et se borner presque à compter les syllabes. Quand lu culture fut plus avancée, observait-on aussi, d’une manière plus ou moins instinctive, la force et la signification des syllabes, on méritait la louange, que plusieurs poëtes surent conquérir. La rime indiquait la conclusion de la phrase poétique ; dans les vers courts, les plus petites coupures étaient elles-mêmes sensibles, et une oreille naturellement délicate veillait à la variété et à la grâce. Tout à coup on laissa la rime de côté, sans réfléchir que la valeur des syllabes n’était pas encore