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et de son talent de comptable. Soutenu par quelques avocats, il apprit peu à peu à connaître fort bien la procédure, et, par sa probité et sa ponctualité, il se fit des protecteurs de tous ceux qui l’employèrent. Il nous rendit aussi de bons services, et il était à notre disposition pour toutes les affaires de droit et de calcul. Il s’occupait donc, pour sa part, de nos affaires, toujours plus étendues, qui avaient pour objet soit la pratique du droit, soit des gérances, des commissions et des expéditions diverses. À l’hôtel de ville, il connaissait tous les tours et les détours ; tel qu’il était, on le souffrait dans les deux audiences du bourgmestre ; et, comme il connaissait bien, depuis leur entrée en fonctions, et dans leur marche encore mal assurée, plusieurs sénateurs, dont quelques-uns devinrent bientôt échevins, il avait gagné une certaine confiance, qu’on pourrait appeler une sorte d’autorité. Il savait employer tout cela à l’avantage de ses patrons, et, comme sa santé l’obligeait à une activité modérée, on le trouvait toujours prêt à remplir soigneusement toute commission. Sa personne n’était point désagréable ; sa taille était élancée, ses traits réguliers, ses manières point importunes ; avec l’air d’assurance d’un homme qui sait parfaitement ce qu’il est à propos de faire, il était habile et de joyeuse humeur, quand il s’agissait d’écarter des obstacles. Il devait approcher de la cinquantaine. Encore une fois, je regrette de ne l’avoir pas introduit comme ressort dans quelque nouvelle.

Avec l’espérance d’avoir satisfait, en quelque mesure, mes lecteurs par ce qui précède, je reviens à ces jours brillants, où l’amour et l’amitié se montrèrent dans leur plus belle lumière. Que l’on célébrât soigneusement, gaiement et avec une certaine diversité, les jours de naissance, c’était chose naturelle dans une pareille société. C’est pour le jour natal du pasteur Ewald que fut composée la chanson : « Dans toutes les bonnes heures, exaltés par l’amour et le vin, unissons nos voix pour dire cette chanson ! Il nous lie, le dieu qui nous amène ici ; il ranime nos flammes que ses mains allumèrent[1]. » Comme cette chanson s’est conservée jusqu’à présent, et qu’il n’y a guère de société joyeuse, rassemblée pour un festin, qui ne la répète gaiement,

  1. Tome I, page 44.