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du résident Freitag et sur l’ordre du bourgmestre Fichard, et retenu quelque temps prisonnier, rue de la Zeile, à l’auberge de la Rosé. On aurait bien pu lui répliquer certaines choses, et entre autres que Voltaire lui-même n’était pas sans reproches ; mais, par respect filial, nous rendions les armes chaque fois.

Comme, à cette occasion, j’entendais faire des allusions à ces choses et à d’autres pareilles, je savais à peine quelle conduite tenir. Mon père m’avertissait sans détour, et m’assurait que cette invitation n’était qu’un piège ; on voulait tirer de moi vengeance pour les railleries que je m’étais permises sur Wieland, favori de la cour. Tout persuadé que j’étais du contraire (car je voyais trop clairement que mon digne père était sous l’empire d’une idée préconçue, éveillée chez lui par de sombres fantômes), je ne voulais pourtant pas agir contre sa conviction, et je ne pouvais trouver aucun prétexte qui me permit de retirer ma promesse, sans paraître ingrat et incivil. Malheureusement, notre amie de Klettenberg, à qui nous avions coutume de recourir en pareil cas, était alors alitée. J’avais en elle et en ma mère deux aides excellentes. Je les appelais toujours le Conseil et l’Action. Quand Mlle de Klettenberg avait jeté un regard serein et même céleste sur les choses d’ici-bas, ce qui nous embarrassait, nous autres enfants de la terre, se démêlait aisément devant elle, et elle savait d’ordinaire nous indiquer la bonne voie, précisément parce qu’elle voyait d’en haut le labyrinthe, et ne s’y trouvait pas elle-même engagée. Mais, avait-on pris une décision, on pouvait se reposer sur l’empressement et l’énergie de ma mère. Soutenue par la foi, comme son amie par la contemplation, et conservant en toute circonstance sa sérénité, elle ne manquait jamais de ressources pour accomplir ce qui était projeté ou désiré. Cette fois, elle fut déléguée auprès de notre amie malade, pour lui demander son avis, et, comme elle en reçut un favorable, je la priai ensuite de solliciter le consentement de mon père, qui céda, mais à contre-cœur et en gardant sa défiance.

J’arrivai donc à Mayence au jour fixé et par un froid rigoureux. Les jeunes princes et les personnes de leur suite me firent, comme je pouvais m’y attendre, le plus aimable accueil. On se rappela les entretiens de Francfort ; en poursuivit ceux