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propager cette croyance dans la tribu. Il se manifeste, selon la diversité des caractères, de la sympathie et de l’opposition. La discorde éclate, la querelle devient violente, et Mahomet est contraint de fuir. Au troisième acte, il triomphe de ses adversaires ; il érige sa religion en culte public ; il purge la Caaba de ses idoles ; mais, comme tout ne peut se faire par la force, il doit aussi recourir à la ruse. L’élément terrestre s’accroît et se développe ; le divin recule et s’altère. Au quatrième acte, Mahomet poursuit ses conquêtes ; la doctrine devient plutôt un prétexte qu’un but ; il faut employer tous les moyens imaginables ; les cruautés ne manquent pas. Une femme, dont il a fait mettre à mort le mari, l’empoisonne. Au cinquième, il se sent empoisonné. Sa grande fermeté, son retour à lui-même, à de plus hautes pensées ; le rendent digne d’admiration. Il puritie sa doctrine, il affermit son empire, et meurt.

Tel était le dessein d’un travail que j’ai longtemps médité. Car, à l’ordinaire, j’avais besoin de combiner en moi-même un ensemble avant de passer à l’exécution. Toute l’action que le génie peut exercer sur les hommes par l’esprit et le caractère devait être exposée avec ce qu’il y gagne et ce qu’il y perd. Plusieurs chants, qui devaient être insérés dans la pièce, furent d’abord composés. Il n’en reste qu’un seul, le Chant de Mahomet, qui se trouve dans mes poésies[1]. Dans la pièce, Ali devait faire entendre ce chant en l’honneur de son maître, au comble de ses prospérités, peu de temps avant la catastrophe de l’empoisonnement. Je me rappelle encore l’intention de quelques endroits, mais ce développement me mènerait trop loin.




LIVRE XV.

Après des distractions si diverses, qui toutefois provoquaient le plus souvent des réflexions sérieuses et même religieuses, je

  1. Tome I, page 190.