Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et prévenants, arrivaient au-devant des deux illustres voyageurs. Pour ma part, j’espérais obtenir d’eux mon pardon de quelques petites impertinences, que s’était permises notre grande impolitesse, excitée par l’humeur incisive de Herder. Ces lettres et ces poésies dans lesquelles Gleim et George Jacobi se cajolaient à l’envi publiquement, avaient provoqué nos plaisanteries, et nous ne pensions pas qu’on montre autant de suffisance en faisant de la peine à des gens qui se sentent satisfaits, qu’en témoignant à soi-même ou à ses amis une bienveillance excessive. Il en était résulté une certaine mésintelligence entre le Haut et le Bas-Rhin, mais de si petite importance, qu’elle put aisément être apaisée, et les dames étaient faites pour y réussir. Sophie de La Roche nous avait déjà donné de ces deux nobles frères l’idée la plus avantageuse ; Mlle Fahlmer, venue de Dusseldorf à Francfort, et intimement liée avec cette société, nous donnait, par la grande délicatesse de ses sentiments, par la remarquable culture de son esprit, un témoignage du mérite des personnes au milieu desquelles son éducation s’était faite. Elle nous fit peu à peu rougir par sa condescendance pour notre rudesse de Haute-Allemagne ; elle nous apprit l’indulgence, en nous faisant sentir que nous pouvions bien en avoir aussi besoin. La cordialité de la sœur cadette des Jacobi, la vive gaieté de la femme de Frédéric, attirèrent de plus en plus notre esprit et notre cœur vers ces contrées. La dernière était faite pour me captiver complètement : pas une trace d’affectation sentimentale, un esprit juste, un langage charmant. C’était une magnifique Néerlandaise, qui, sans expression voluptueuse, rappelait par la beauté de ses formes les femmes de Rubens. Ces dames, dans les séjours plus ou moins longs qu’elles avaient faits à Francfort, s’étaient liées intimement avec ma sœur ; elles avaient ouvert et égayé le caractère sérieux, rebelle et presque dur de Cornélie, et c’est ainsi que, pour l’esprit et pour le cœur, un Pempelfort, un Dusseldorf, nous étaient tombés en partage à Francfort.

Aussi notre première entrevue à Cologne fut-elle tout d’abord familière et cordiale ; la bonne opinion que les dames avaient de nous s’était communiquée à leurs alentours ; je ne fus plus traité, ainsi que je l’avais été jusque-là dans ce voyage, comme