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une si juste mesure, qu’il faut admirer l’esprit, la raison, la facilité, l’habileté, le goût et le caractère de l’écrivain. Pour le choix des sujets d’utilité publique, pour la sagacité profonde, le libre coup d’œil, l’heureuse exposition, la gaieté et la solidité, je ne saurais le comparer qu’à Franklin.


Un tel homme nous inspirait un profond respect, et il eut la plus grande influence sur une jeunesse qui voulait aussi du solide, et qui était en voie de le comprendre. Les formes de son exposition nous semblaient aussi être à notre portée ; mais qui pouvait espérer de s’approprier un fonds si riche, et de traiter avec une pareille liberté les sujets les plus rebelles ? Et pourtant notre plus belle et plus douce illusion, à laquelle nous ne pouvons renoncer, quoiqu’elle nous cause dans la vie bien des tourments, c’est de vouloir nous approprier, s’il est possible, et même de produire et de développer, de notre propre fonds, ce que nous estimons et que nous respectons chez les autres.




LIVRE XIV.

À ce mouvement qui s’étendait dans le public, il s’en joignit un autre dans l’entourage de l’auteur, et qui fut peut-être pour lui de plus grande conséquence. Mes anciens amis, qui avaient connu en manuscrit ces poésies, maintenant si remarquées, et qui, par conséquent, les considéraient en quelque sorte comme leur bien propre, triomphaient de cet heureux succès, qu’ils avaient assez hardiment prophétisé. À ce cercle se joignaient de nouveaux approbateurs, de ceux-là surtout qui se sentaient la force de produire, ou qui désiraient l’éveiller et l’entretenir. Parmi les premiers, Lenz se montrait d’une manière fort vive et même fort bizarre. J’ai déjà esquissé la figure de cet homme remarquable ; je me suis plu à mentionner son talent humoristique : maintenant je veux donner l’idée de son caractère, mais par les effets plus que par une peinture, parce qu’il se-