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vivre que pour le moment. Elle aimait sa société ; il ne put bientôt se passer d’elle, parce qu’elle lui rendait agréable la vie journalière, et, au milieu d’un ménage considérable, dans les champs et les prés, dans le potager comme au jardin, ils furent bientôt inséparables. Quand ses affaires le lui permettaient, le fiancé était de la partie. Sans le vouloir, ils s’étaient accoutumés tous trois les uns aux autres, et ne savaient pas comment ils en étaient venus à ne pouvoir vivre séparés. C’est ainsi qu’ils passèrent un été magnifique, véritable idylle allemande, où une fertile contrée fournissait la prose, et une pure affection la poésie. En se promenant à travers les blés mûrs, ils se récréaient à la fraîcheur matinale ; le chant de l’alouette, le cri de la caille, étaient une ravissante musique ; puis venaient les heures brûlantes ; de violents orages éclataient : on s’en rapprochait d’autant plus les uns des autres, et plus d’un petit chagrin domestique était dissipé aisément par un amour fidèle. C’est ainsi qu’un jour ordinaire succédait à l’autre, et tous semblaient être des jours de fête ; il aurait fallu imprimer en rouge tout le calendrier. Il me comprendra, celui qui se rappelle la prédiction de l’heureux infortuné, ami de la nouvelle Héloïse : « Et assis aux pieds de sa bien-aimée, il teillera du chanvre, et il souhaitera de teiller du chanvre aujourd’hui, demain, après-demain et toute sa vie. »

Je puis maintenant dire quelques mots, en me bornant au nécessaire, sur un jeune homme dont le nom n’a été que trop souvent prononcé dans la suite. Il s’agit de, Jérusalem, le fils du théologien, ce libre et subtil penseur. Il était aussi attaché à une ambassade. D’un extérieur agréable, de taille moyenne et bien fait, il avait le visage assez rond, des traits délicats et doux, et tous les avantages d’un joli blondin, des yeux bleus, plus agréables qu’expressifs. Il portait l’habillement traditionnel de la basse Allemagne, à l’imitation des Anglais, le frac bleu, la veste et le gilet jaunes, les bottes à revers bruns. L’auteur ne lui a jamais fait de visite, n’en a jamais reçu de lui ; il l’a rencontré quelquefois chez des amis. Le langage de ce jeune homme était modéré, mais bienveillant. Il s’intéressait aux productions les plus diverses ; il aimait surtout les dessins et les esquisses où l’on avait conservé aux