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jeter un coup d’œil rapide sur la Chambre impériale, pour se représenter le moment défavorable dans lequel j’y arrivai. Les maîtres du monde le sont principalement parce que, tout comme ils peuvent, en temps de guerre, s’entourer des plus vaillants et des plus résolus, en temps de paix, ils peuvent appeler autour de leur personne les plus sages et les plus justes. À la maison d’un empereur d’Allemagne était attaché un pareil tribunal, qui l’accompagnait toujours dans ses courses à travers l’Empire ; mais ni celle précaution, ni le droit de Souabe, qui était en vigueur dans l’Allemagne du Sud, ni le droit saxon, qui régnait dans celle du Nord, ni les juges établis pour le maintien de ces lois, ni les commissions arbitrales des pairs, ni les arbitres acceptés par convention, ni les transactions amiables, instituées par le clergé, ne purent apaiser l’humeur guerroyante des chevaliers, excitée, nourrie et passée en coutume par les querelles intérieures, par les expéditions étrangères, surtout par les croisades et même par les usages des tribunaux. L’empereur et les princes les plus puissants voyaient avec un extrême déplaisir les vexations que les petits faisaient souffrir à leurs pareils et même aux grands, en se liguant entre eux. Toute force pour agir au dehors était paralysée, de même que l’ordre était troublé au dedans. De plus, une grande partie du pays était sous le joug de la cour vehmique, institution terrible, dont on peut se faire une idée, si l’on songe qu’elle dégénéra en une police secrète, qui Gnit même par tomber dans les mains de simples particuliers.

Pour réprimer en quelque mesure ces iniquités, on fit inutilement plusieurs tentatives ; enfin les États proposèrent avec insistance d’établir un tribunal à leurs frais. Ce projet, si louable que fût la pensée, tendait néanmoins à étendre les droits des États, à restreindre la puissance impériale. Sous Frédéric III, la chose est différée ; son fils Maximilien, pressé du dehors, doit céder. Il nomme le président ; les États envoient les assesseurs. Ils devaient être au nombre de vingt-quatre : on se contente d’abord de douze. Une faute que les hommes commettent généralement dans leurs entreprises fut aussi le vice originel et perpétuel, le vice fondamental de la Chambre impériale : on employa pour un grand but des moyens insuffisants. Les assesseurs étaient trop peu nombreux. Comment auraient-ils pu suffire à une tâche si difficile et si vaste ? Mais qui aurait réclamé une organisation suffisante ? L’empereur ne pouvait favoriser un établissement qui semblait agir contre lui plutôt que pour lui : il avait de bien plus fortes raisons pour développer son propre tribunal, son propre conseil aulique. Si, d’un autre côté, on considère l’intérêt des États, ils ne pouvaient proprement avoir en vue que d’arrêter le sang ; ils s’inquiétaient moins de savoir si la blessure était guérie. Et puis c’était encore une nouvelle dépense ! Il semble qu’on ne sut pas voir bien clairement que, par cette institution, chaque prince augmentait le nombre de ses serviteurs. C’était, il est vrai, pour un but bien déterminé : mais qui donne volontiers de l’argent pour le nécessaire ? Chacun voudrait recevoir l’utile pour l’amour de Dieu.

Au commencement, les assesseurs durent vivre d’épices ; puis ils reçurent des États une modeste rétribution : tout cela était misérable. Mais, afin de pourvoir à ce grand et manifeste besoin, il se trouva des homme