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Les autres songes qui nous furent connus étaient tout à fait prosaïques, simples, et sans trace de fantastique ou de merveilleux. Je me souviens aussi qu’étant petit garçon, comme je fouillais dans ses livres et ses notes, je trouvai, parmi d’autres observations relatives au jardinage, des phrases comme celles-ci : « Cette nuit… est venu me voir, et il m’a dit… » Le nom et la révélation étaient en chiffres. Ou bien c’était encore : « J’ai vu cette nuit… » Le reste était aussi en chiffres, hormis les conjonctions et d’autres mots dont on ne pouvait tirer aucun sens. Une chose remarquable, c’est que des personnes qui ne montraient d’ailleurs aucune trace de faculté divinatoire acquéraient momentanément, dans sa sphère, le don de percevoir d’avance, par des signes sensibles, certains cas de maladie ou de mort actuels, qui survenaient dans l’éloignement. Mais aucun de ses enfants et petits-enfants n’hérita de cette faculté ; au contraire, ils furent, la plupart, gens robustes, de joyeuse humeur et ne visant qu’à la réalité.

À cette occasion, je les mentionne avec reconnaissance pour les nombreuses marques de bienveillance que j’en ai reçues dans mes jeunes, années. Nous trouvions, par exemple, les occupations et les amusements les plus divers, quand nous allions rendre visite à la seconde fille, mariée au droguiste Melber, dont la maison et la boutique étaient situées sur la place du Marché, dans la partie la plus vivante et la plus serrée de la ville. Là nous regardions des fenêtres, avec un vif plaisir, le tumulte et la foule, où nous avions peur de nous perdre ; et si, dans la boutique, parmi des marchandises si diverses, le bois de réglisse et les pastilles brunes qu’on en fabrique eurent d’abord pour nous un intérêt tout particulier, nous apprîmes cependant à connaître successivement la grande multitude des objets qui affluent dans un pareil commerce et qui en sortent. De toutes les sœurs, cette tante était la plus vive. Dans leurs jeunes années, tandis que ma mère, en toilette soignée, s’amusait à quelque joli travail de son sexe ou à la lecture, ma tante courait dans le voisinage pour s’occuper des enfants négligés, les garder, les peigner et les promener, comme elle fit pour moi bien longtemps. Aux époques de fêtes publiques, comme de couronnements, on lie pouvait la tenir à la maison. Petite