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tuelle ; son grand ouvrage, Alsatia illustrata, appartient lui-même à la vie, car il évoque le passé, il rafraîchit des figures décolorées, il fait revivre la pierre taillée, sculptée ; il remet devant les yeux, dans l’esprit du lecteur des inscriptions effacées, morcelées. C’est ainsi que son activité remplit l’Alsace et le voisinage ; il conserve dans le pays de Bade et le Palatinat, jusqu’à son plus grand âge, une influence non interrompue ; il fonde à Manheim l’académie des sciences, et il en reste président jusqu’à sa mort.

Je n’ai approché de cet homme éminent que dans une nuit où nous lui donnâmes une sérénade aux flambeaux. Nos torches répandaient plus de fumée que de clarté dans la cour du vieux bâtiment claustral ombragée de tilleuls. Quand la musique eut cessé son vacarme, il descendit, se mêla parmi nous, et là il était vraiment à sa place. Ce joyeux vieillard, à la taille élancée et bien prise, se présenta devant nous avec dignité, sans gêne et sans contrainte, et nous fit l’honneur de nous adresser, avec une grâce paternelle, un discours bien pensé, sans aucune trace d’effort et de pédantisme, si bien que nous étions assez flattés, dans le moment, de nous voir traités par lui comme les rois et les princes, qu’il était souvent appelé à haranguer publiquement. Nous fîmes éclater à grand bruit notre joie ; les trompettes et les timbales retentirent une seconde fois, et l’aimable et intéressante plèbe universitaire se dispersa, pour rentrer chez elle avec une satisfaction secrète.

Ses disciples et ses émules, Koch et Oberlin, m’approchèrent davantage de leur personne. Mon goût pour les restes de l’antiquité était extrême. Ils me montrèrent plusieurs fois le musée, qui renfermait en nombre les pièces justificatives du grand ouvrage de Schœpflin sur l’Alsace. Je n’avais appris à connaître cet ouvrage qu’après la promenade où j’avais trouvé sur place des antiquités, et dès lors, parfaitement préparé, je pus, dans mes excursions, grandes et petites, me représenter la vallée du Rhin comme une possession romaine, et me retracer, en veillant, bien des songes du temps passé.

J’eus à peine fait quelques progrès dans cette carrière, que Oberlin attira mon attention sur les monuments du moyen âge, et me fit faire connaissance avec les ruines et les restes, les