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académique. L’aspirant s’était montré à la faculté comme un jeune homme qui savait penser, et de qui elle pouvait concevoir les meilleures espérances ; elle voulait bien, pour ne pas retarder l’affaire, me permettre de disputer sur des thèses. Plus tard, je pourrais publier ma dissertation, en latin ou dans une autre langue, telle qu’elle était ou avec de nouveaux développements. Comme simple particulier et comme protestant, la chose me serait partout facile, et je recueillerais alors une approbation plus générale et plus pure. J’eus de la peine à cacher au brave homme combien je me sentais le cœur soulagé par son conseil. A chaque nouvel argument qu’il présentait pour ne pas m’affliger ou me fâcher par son refus, je me sentais plus à l’aise, et lui-même aussi à la fin, quand il vit, contre son attente, que je n’opposais rien à ses raisons, qu’au contraire je les trouvais tout à fait évidentes, et que je promis de me conduire en tout selon ses avis et ses directions. Je recommençai à travailler avec mon répétiteur. Des thèses furent choisies et imprimées, et la dispute, où nos convives me servirent d’opposants, se passa d’une manière fort gaie et même assez folle. Ma vieille habitude de feuilleter le Corpus juris m’y fut une grande ressource, et je pus passer pour un homme bien instruit. Un joyeux banquet termina, selon l’usage, la solennité.

Cependant mon père fut très-mécontent que cet opuscule n’eût pas été tout de bon imprimé comme thèse, parce qu’il avait espéré qu’à mon retour à Francfort, cela nie ferait honneur. Il voulait donc le voir publier, mais je lui représentai que le sujet était simplement esquissé, et qu’il avait besoin de nouveaux développements. Dans ce dessein, il garda soigneusement le manuscrit, et, bien des années après, je le retrouvai parmi ses papiers.

Je fus reçu docteur le 6 août 1771. Le lendemain Schœpflin mourut dans sa soixante quinzième année. Sans que je l’eusse approché, il avait exercé sur moi une influence marquée : car les hommes éminents, nos contemporains, se peuvent comparer aux étoiles de première grandeur, vers lesquelles, aussi longtemps qu’elles se trouvent sur l’horizon, notre œil se dirige, et se sent fortifié et ennobli, quand il lui est permis de recevoir en lui de telles perfections. La nature libérale avait donné à