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il fallait que je pusse en tirer quelque avantage ; j’avais besoin d’y découvrir un point de vue qui me parût fécond et qui offrît des perspectives. C’est ainsi que j’avais remarqué quelques sujets, que j’avais même recueilli des notes. Je pris donc mes extraits ; je réfléchis encore à ce que je voulais affirmer, au plan d’après lequel j’ordonnerais les détails, et je travaillai ainsi quelque temps. Mais je sus bientôt m’apercevoir que je ne pouvais réussir ; que, pour traiter un sujet particulier, il fallait aussi une application particulière et soutenue, et qu’on ne pouvait même en venir à bout heureusement, si l’on n’était pas maître dans l’ensemble ou du moins premier ouvrier.

Les amis auxquels je confiai mon embarras me trouvèrent ridicule, parce qu’on pouvait aussi bien, et mieux encore, disputer sur des thèses que sur un traité. A Strasbourg, la chose n’avait rien du tout d’extraordinaire. J’inclinais fort pour cet expédient ; mais mon père, à qui j’écrivis à ce sujet, demanda un travail régulier, qu’à son avis j’étais bien capable de faire, si je le voulais et si je prenais le temps nécessaire. Je fus donc forcé de me jeter dans quelque matière générale, et de choisir quelque chose qui me fût familier. L’histoire ecclésiastique m’était peut-être plus connue que l’histoire générale, et je m’étais toujours vivement intéressé au conflit dans lequel l’Église, le culte publiquement reconnu, se trouvent et se trouveront constamment engagés d’un côté et de l’autre. Car l’Église est en lutte perpétuelle soit avec l’État, au-dessus duquel elle veut s’élever, soit avec les individus, qu’elle veut tous rassembler dans son sein. D’un autre côté, l’État ne veut pas lui accorder la suprématie, et les individus s’opposent à son droit de contrainte. L’État ne se propose que des fins générales, publiques ; l’individu, des fins particulières, affectueuses, senti-’mentales. J’avais été, dès mon enfance, témoin de pareils mouvements, où le clergé se brouillait, tantôt avec ses supérieurs, tantôt avec la paroisse. Aussi m’étais-je confirmé dans mon opinion de jeune homme, que l’État, le législateur, a le droit d’établir un culte, auquel le clergé doit conformer son enseignement et sa conduite, et les laïques toute leur vie extérieure et publique, sans qu’on eût d’ailleurs à s’occuper des pensées et des sentiments de chacun. Par là, je croyais avoir