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répliquai-je, un pareil enjouement, s’il est purement naturel, est inconcevable pour moi. Si elle avait aimé et souffert, et qu’elle se fût résignée, ou si elle était fiancée, dans l’un et l’autre cas, je pourrais le comprendre. » Nous causâmes ainsi une grande partie de la nuit, et pourtant j’étais déjà éveillé au point du jour. Je sentais un irrésistible désir de la revoir ; mais, en m’habillant, je fus épouvanté du maudit costume que je m’étais étourdiment choisi ; plus j’avançais dans ma toilette, plus je me trouvais ignoble, car tout était calculé pour cet effet. J’aurais pu à la rigueur venir à bout de ma coiffure ; mais, lorsqu’enfin je me serrai dans l’habit gris, râpé, que j’avais emprunté, et dont les courtes manches me donnaient l’air le plus bête, je fus pris d’un véritable désespoir, car je ne me voyais qu’en détail dans un petit miroir, et un côté me semblait toujours plus ridicule que l’autre.

Pendant cette toilette, mon ami s’était réveillé. Avec la satisfaction d’une bonne conscience et dans le sentiment d’une joyeuse espérance pour la journée, il regardait de dessous l’édredon de soie. J’avais depuis longtemps observé avec envie ses beaux vêtements, suspendus à une chaise, et, s’il eût été de ma taille, je les aurais emportés à son nez, je m’en serais habillé dehors, puis, courant au jardin, je lui aurais laissé ma maudite dépouille. Il se serait montré d’assez bonne humeur pour endosser mes habits, et la plaisanterie aurait eu dès le matin un joyeux dénoûment. Mais il n’y fallait pas penser, non plus qu’à un arrangement convenable quelconque. Dans ce costume, sous lequel mon ami avait pu me présenter comme un étudiant en théologie habile et appliqué, mais pauvre, reparaître devant Frédérique, qui avait parlé si amicalement la veille à ma personne travestie, c’était pour moi chose impossible. J’étais là, fâché et rêveur, appelant vainement à mon aide toute mon imagination : elle me laissait sans secours. Mais lorsque Weyland, étendu à son aise dans son lit, après m’avoir contemplé un moment, poussa tout ù coup un bruyant éclat de rire, et s’écria : « Oh ! c’est vrai, tu as une drôle de mine ! * Je répliquai vivement : « Et je sais ce que je vais faire ! Adieu. Excuse-moi. — Es-tu fou ? » cria-t-il en sautant à bas du lit, et il voulait m’arrêter. J’étais déjà hors de la chambre, au bas