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fille aînée n’avait pas la remarquable beauté d’Olivia, elle était pourtant bien faite, vive et un peu prompte ; elle se montrait toujours active, et secondait en tout sa mère. Substituer Frédérique à Sophie Primerose n’était pas difficile, car le roman dit peu de chose de Sophie ; on convient seulement qu’elle était aimable : Frédérique l’était réellement. Or, comme la même affaire, la même situation, partout où elle se présente, produit des effets semblables, sinon pareils, il se disait là, il se passait bien des choses qui s’étaient dites, qui s’étaient passées dans la famille de Wakefield ; mais, lorsqu’enfin un fils, plus jeune que ses sœurs, annoncé depuis longtemps, et attendu avec impatience par le père, s’élança dans la chambre, et prit place hardiment auprès de nous, sans trop faire attention aux hôtes, je fus sur le point de m’écrier : « Moïse, te voilà aussi ! «

À table, la conversation agrandit la perspective de cette vie de village et de famille ; on parla de plaisantes aventures qui étaient arrivées en divers lieux. Frédérique, qui était placée à côté de moi, en prit occasion de me décrire plusieurs endroits qu’il valait la peine de visiter. Une historiette en provoque toujours une autre, si bien que je pus alors me mêler plus facilement à la conversation et conter des histoires semblables ; et, comme le bon vin du cru n’était point ménagé, je courais le risque de sortir de mon rôle : c’est pourquoi mon ami, plus prudent, prétexta le beau clair de lune pour proposer une promenade, qui fut acceptée aussitôt. Il offrit le bras à l’aînée, moi à la cadette, et nous parcourûmes ainsi les vastes campagnes, où le ciel étendu sur nos têtes frappait nos regards plus que la terre, qui se perdait au loin devant nous. Cependant les discours de Frédérique n’avaient rien du clair de lune ; la transparence de son langage changeait la nuit en jour, et rien n’y annonçait ou n’y éveillait un sentiment : seulement ses discours se rapportaient plus à moi qu’auparavant, en ce qu’elle me présentait sa situation personnelle, ainsi que le pays et leurs amis du côté par lequel je devais apprendre à les connaître : car elle espérait, ajoutait-elle, que je ne ferais pas exception, et que je reviendrais les voir, comme l’avaient fait volontiers tous les étrangers qui étaient venus loger une fois chez eux.

Il m’était très-agréable d’écouter en silence la description