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L’activité et l’habileté de cet homme, sa richesse, l’utile emploi qu’il en faisait, tout semblait en équilibre ; il pouvait à bon droit se féliciter de sa richesse acquise, qu’il augmentait, et des biens mérités, qu’il consolidait. Plus j’ai vu le monde, plus j’ai toujours aimé, outre les noms généralement célèbres, ceux qui sont prononcés avec amour et respect dans une contrée à part. En questionnant un peu les gens, j’appris encore que Dieterich avait su plus tôt que d’autres employer avec succès les richesses minérales, le fer, le charbon et le bois, et n’avait cessé d’augmenter sa fortune par son travail. Niederbrounn, que nous atteignîmes ensuite, en était un nouveau témoignage. Dieterich avait acheté ce petit village des comtes de Leiningen et d’autres propriétaires, pour fonder dans l’endroit des usines considérables. Dans ces bains, déjà établis par les Romains, je fus ondoyé par l’esprit de l’antiquité, dont les ruines vénérables brillèrent merveilleusement à mes regards, en restes de bas-reliefs et d’inscriptions, en chapiteaux et en fûts de colonnes, parmi le fatras et le mobilier de ménage. Quand nous montâmes au château de Wasenbourg, silué près de là, je pus contempler aussi avec respect, sur la grande masse du rocher, base d’un côté de l’édifice, une inscription bien conservée, qui est un ex-voto consacré à Mercure. Wasenbourg est sur la dernière montagne qu’on trouve en venant de Bitsch à la plaine. Ce sont les ruines d’un château allemand bâti sur des ruines romaines. De la tour, nous contemplâmes une seconde fois l’Alsace entière ; la flèche visible de la cathédrale indiquait la situation de Strasbourg. Tout près, s’étendait la grande forêt de Haguenau, et les tours de la ville se montraient derrière distinctement. Je fus attiré de ce côté. Nous traversâmes Reichshofen, où Dieterich avait fait bâtir un château remarquable, et, après que nous eûmes contemplé, des coteaux voisins de Niedermodern, le cours agréable du ruisseau de la Moder, le long de la forêt de Haguenau, je laissai mon ami faire une ridicule visite de mines de houille, qui eût été à Duttweiler quelque chose de plus sérieux, et, après avoir traversé Haguenau, suivant des sentiers, que déjà l’inclinaison m’indiquait, je gagnai le bien-aimé Sesenheim.

Car toutes ces perspectives dans une sauvage contrée de montagnes, puis dans des plaines riantes et fertiles, ne pouvaient