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sâmes à la hâte Deux-Ponts, belle et remarquable résidence, qui aurait aussi mérité notre attention. Nous jetâmes un regard sur le grand et simple château, sur les vastes esplanades, régulièrement plantées de tilleuls et bien établies, en vue de dresser les chevaux pour la chasse à courre ; sur les grandes écuries, sur les maisons bourgeoises, que le prince faisait bâtir pour les mettre en loterie. Tout cela, ainsi que le costume et les manières des habitants, surtout des femmes et des jeunes filles, annonçait un rapport avec le lointain, et rendait manifestes les relations avec Paris, qui, depuis assez longtemps, se faisaient sentir d’une manière irrésistible à toute la vie transrhénane. Nous visitâmes aussi la cave ducale, qui se trouve hors de la ville ; elle est spacieuse et garnie de grands tonneaux artistement fabriqués. Nous continuâmes notre route, et nous trouvâmes enfin une contrée semblable à celle de Sarrebruck, des villages clair-semés entre des montagnes âpres et sauvages. On y perd l’habitude de chercher des blés autour de soi. En côtoyant le Hornbach, nous montâmes à Bitsch, dont la situation est remarquable : c’est la ligne de séparation des eaux, dont les unes s’écoulent dans la Sarre, les autres dans le Rhin. Ces dernières allaient bientôt nous entraîner après elles ; mais nous ne pouvions refuser notre attention à la petite ville de Bitsch, qui se développe d’une manière très-pittoresque autour d’une montagne, non plus qu’à la forteresse qui la domine. Cette forteresse est en partie bâtie sur le roc, en partie taillée dans le roc. La partie souterraine est surtout remarquable : il s’y trouve non-seulement assez de place pour loger des hommes et du bétail sans nombre, mais on y voit même de grandes salles voûtées pour l’exercice, un moulin, une chapelle et tout ce qu’on pourrait désirer sous terre, quand la surface serait inquiétée.

Dès lors nous suivîmes dans le Baerenthal ( vallée aux ours) les ruisseaux qui se précipitent. Les forêts touffues qui couvrent les deux versants sont inexploitées ; les troncs pourrissent par milliers les uns sur les autres, et d’innombrables rejetons poussent sur leurs ancêtres à demi consumés. Là, quelques piétons, qui cheminaient avec nous, firent de nouveau résonner à nos oreilles le nom de Dieterich, que nous avions déjà entendu plusieurs fois prononcer avec respect dans ces contrées forestières.