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une explication raisonnée ou du moins historique, je trouvai pour mes facultés un champ plus vaste, que j’exploitai de la manière la plus bizarre, en me livrant à un goût qui me vint du dehors par hasard. La plupart de nos convives se vouaient à la médecine. On sait que les étudiants en médecine sont les seuls qui s’entretiennent avec vivacité de leur science, de leur métier, même hors des heures de leçons. Cela tient à la nature de la chose. Les objets de leurs études sont à la fois les plus sensibles et les plus relevés, les plus simples et les plus complexes. La médecine occupe l’homme tout entier, parce qu’elle s’occupe de l’homme tout entier. Tout ce que le jeune homme apprend fait songer d’abord à une pratique importante, dangereuse, il est vrai, mais en plus d’un sens fructueuse. Il s’applique donc avec ardeur à ce qu’il faut connaître et pratiquer, soit parce que la chose l’intéresse en elle-même, soit parce qu’elle lui ouvre la joyeuse perspective de l’indépendance et de la fortune. Je n’entendais donc parler à table que de médecine, comme auparavant, dans la pension du conseiller Loudwig. A la promenade même et dans les parties de plaisir, on ne parlait guère d’autre chose : car mes compagnons de table, comme bons camarades, étaient aussi devenus mes compagnons pour le reste du temps, et, chaque fois, il se joignait à eux de tous côtés des jeunes gens animés des mêmes sentiments et livrés aux mêmes études. La Faculté de médecine brillait plus que les autres, soit par la célébrité des professeurs, soit par le nombre des étudiants, et le torrent m’entraîna, d’autant plus que j’avais de toutes ces choses tout juste assez de connaissance pour que mon désir d’apprendre en fût bientôt accru et enflammé. A l’entrée du second semestre, je suivis donc le cours de chimie de Spielmann, le cours d’anatomie de Lobstein, et je me proposai d’être assidu, parce que j’avais déjà obtenu dans notre société quelque considération et quelque confiance par mes connaissances préliminaires, ou plutôt superficielles.

Ainsi morcelées et détournées de leur objet, mes étude ; devaient être encore considérablement troublées, car un grand événement politique vint mettre toute la ville en mouvement, et nous procura toute une suite de fêtes. Marie-Antoinette, archiduchesse d’Autriche, reine de France, devait passer par