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fait péniblement sentir mes fâcheux caprices ; aucun, que je n’eusse offensé plus d’une fois par mon humeur contrariante, et que même, dans le sentiment de mes torts, je n’eusse quelque temps évité obstinément. Tout cela était oublié ; mes amis me témoignèrent la plus grande affection ; ils cherchèrent à m’amuser et à me distraire, soit dans ma chambre, soit en dehors, aussitôt que je pus la quitter. Ils faisaient avec moi des promenades en voiture ; ils me recevaient dans leurs maisons de campagne, et je fus bientôt en voie de guérison.

Au nombre de ces amis, je citerai d’abord le docteur Hermann, alors conseiller, depuis bourgmestre de Leipzig. Il fut, entre les convives dont je devais à Schlosser la connaissance, celui avec lequel je conservai des relations qui se maintinrent toujours les mêmes. On pouvait le compter au nombre des élèves les plus studieux de l’université. Il suivait ses cours avec une régularité parfaite, et ses travaux particuliers allaient toujours du même train. Pas à pas, sans le moindre écart, je le vis arriverai ! doctorat, puis devenir assesseur, sans que cela parût lui coûter aucun effort, sans qu’il montrât jamais le moindre signe de précipitation ou de ralentissement. La douceur de son caractère m’attirait ; sa conversation instructive m’enchaînait. Il me semble, en vérité, que son application régulière me charmait surtout parce que je croyais m’attribuer, du moins en partie, par l’approbation et l’estime, un mérite que je ne pouvais me vanter d’avoir en propre.

S’il était régulier dans ses travaux, il ne l’était pas moins dans l’exercice de ses talents et la jouissance de ses plaisirs. Il jouait fort bien du clavecin, il dessinait avec sentiment d’après nature, et m’encourageait à en faire autant. Je dessinai en effet, à sa manière, sur papier gris, avec le crayon noir et le crayon blanc, plus d’une oseraie de la Pleisse et quelques replis agréables de ces eaux tranquilles, en me livrant toujours à mes ardentes rêveries. Il savait répliquer par de joyeux badinages à mes boutades comiques, et je me rappelle bien des heures charmantes que nous avons passées ensemble, lorsqu’il m’invitait, avec une solennité badine, à un souper tête à tête, où, avec une dignité particulière, à la clarté des bougies, nous mangions de grand appétit un lièvre officiel, qui était accouru dans sa