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Tout à coup une musique étrange annonce en quelque sorte l’arrivée des siècles passés. Ce sont trois musiciens, dont l’un joue du chalumeau, l’autre de la basse et le troisième du basson ou du hautbois. Ils portent des manteaux bleus bordés d’or, leur musique attachée aux manches, et ils ont la tête couverte. C’est ainsi qu’à dix heures précises ils sont partis de leur auberge, suivis des députés et de leur escorte, à la vue des habitants et des étrangers surpris, et ils entrent comme cela dans la salle. Les actes juridiques sont suspendus ; les musiciens et l’escorte restent en dehors des barrières ; le député entre dans l’enceinte, et se présente devant le maire. Les offrandes symboliques, qui devaient être parfaitement conformes à l’ancien usage, consistaient d’ordinaire en marchandises, objet principal du commerce de-la ville qui offrait les dons. Le poivre était comme le.représentant de toutes les marchandises, c’est pourquoi le député présentait un bocal en bois, élégamment tourné, rempli de poivre. Sur le bocal était posée une paire de gants merveilleusement tailladés, piqués et façonnés avec de la soie, comme signe d’une faveur accordée et acceptée. Ce symbole, l’empereur lui-même s’en servait dans certains cas. A côté on voyait une baguette blanche, qui ne devait guère manquer autrefois dans les actes législatifs et juridiques. On ajoutait encore quelques petites pièces d’argent, et la ville de Worms présentait un vieux chapeau de feutre, qu’elle rachetait toujours, en sorte qu’il avait été bien des années témoin de ces cérémonies. Après que le député avait prononcé sa harangue, offert le présent, reçu du maire l’assurance que la faveur était maintenue, il sortait de l’espace fermé, les musiciens jouaient, le cortège s’en allait comme il était venu ; le tribunal continuait ses affaires jusqu’à ce qu’on introduisît le deuxième et enfin le troisième député, car ils ne venaient qu’à certains intervalles, l’un après l’autre, soit pour que le plaisir du public durât plus longtemps, soit parce qu’ils étaient toujours amenés par ces mêmes virtuoses du vieux temps, que la ville de Nuremberg s’était chargée d’entretenir pour elle comme pour les autres cités privilégiées, et de produire tous les ans.

Cette fête avait pour nous un intérêt particulier, parce que nous n’étions pas médiocrement flattés de voir notre grand-père