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trouver à telle ou telle place, et il nous félicitait de ce qu’en effet cela ne s’y trouvait pas. Là-dessus, il parlait avec un grand mépris de l’imprimerie ; il contrefaisait le compositeur, se moquait de ses gestes, de la précipitation avec laquelle il prenait les types ça et là, et il déduisait de cette manœuvre tous les maux de la littérature. En revanche, il exaltait la bienséance et la noble attitude d’un écrivain, et se mettait aussitôt en devoir de nous la montrer, en nous grondant de ne pas prendre sa tenue pour modèle devant la table à écrire. Puis il en revenait au contraste avec le compositeur ; il tournait, le haut en bas, une lettre commencée, et faisait voir comme il était malséant d’écrire de bas en haut ou de droite à gauche, et mille choses pareilles, dont on remplirait des volumes. Voilà les innocentes folies dans lesquelles se dissipaient nos beaux jours, sans qu’il nous vînt à la pensée que rien pût transpirer au dehors, exciter l’attention générale, et nous faire une assez mauvaise réputation.

Gellert n’était pas fort satisfait de ses leçons pratiques, et, quand il lui prenait fantaisie de donner quelques directions sur la manière d’écrire en prose et en vers, il le faisait privatissime, pour un petit nombre d’auditeurs desquels nous n’étions pas. La lacune qui en résultait dans l’enseignement public fut remplie par le professeur Clodius, qui s’était fait quelque réputation comme littérateur, comme critique et comme poêle, et qui, étant jeune, actif et joyeux, s’était fait beaucoup d’amis à l’université et dans la ville. Gellert lui-même nous conseilla de suivre ses leçons, et, pour l’essentiel, nous y trouvâmes peu de différence. Il s’en tenait, comme Gellert, à la critique des détails, corrigeait aussi à l’encre rouge, et l’on se trouvait purement et simplement en présence de ses fautes, sans aucune indication des sources où l’on devait chercher le beau. Je lui avais présenté quelques-uns de mes petits travaux, qu’il n’avait pas maltraités ; mais, dans ce temps même, on m’écrivit de la maison que je devais nécessairement composer une poésie pour les noces de mon oncle. Je me sentais fort éloigné de cette période facile et légère, dans laquelle une pareille commission m’aurait rendu bien joyeux, et, comme je ne savais que tirer de la situation, je m’avisai d’enjoliver de mon mieux ce tra-