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comme occupant le premier banc, étaient assis les échevins ; dans l’angle même, le maire, le seul qui eût devant lui une petite table ; à sa gauche, jusqu’aux fenêtres, siégeaient les seigneurs du deuxième banc ; le long des fenêtres, régnait le troisième, où les artisans prenaient place. Au milieu de la salle, était une table pour le secrétaire.

Une fois que nous étions dans le Rœmer, nous savions bien nous mêler dans la foule aux audiences du bourgmestre. Mais nous trouvions plus d’attraits à tout ce qui concernait l’élection et le couronnement des empereurs. Nous savions gagner les porte-clefs, pour obtenir la permission de monter l’escalier des empereurs, qui était neuf, bien éclairé, peint à fresque et, d’ordinaire, fermé par une grille. La salle d’élection, avec ses tapis de pourpre, ses moulures dorées, aux capricieux enroulements, nous inspirait le respect. Les dessus de porte, où de petits enfants, des génies, revêtus des ornements impériaux, et chargés des insignes de l’Empire, jouent une scène fort bizarre, fixaient vivement notre attention, et nous espérions bien voir aussi de nos yeux un couronnement. On avait bien de la peine à nous arracher de la grande salle des Empereurs, quand une fois nous avions eu le bonheur d’y pénétrer, et nous tenions pour notre meilleur ami celui qui en présence des portraits en buste des empereurs, qu’on avait peints autour de la salle, à une certaine hauteur, voulait bien nous raconter quelques traits de leur vie.

Nous apprîmes bien des fables sur Charlemagne ; mais l’intérêt historique ne commençait pour nous qu’avec Rodolphe de Habsbourg, qui, par son énergie, avait mis fin à de si grands désordres. Charles IV attirait aussi notre attention. On nous avait déjà conté la bulle d’or, l’ordonnance criminelle, et comme quoi il ne fit pas expier aux bourgeois de Francfort leur attachement à son noble compétiteur, Gonthier de Schwarzbourg. On nous disait, à la gloire de Maximilien, que c’était un prince rempli d’humanité, ami des bourgeois, et qu’on avait prophétisé de lui qu’il serait le dernier empereur d’une maison allemande, ce qui s’est malheureusement réalisé, puisque, après sa mort, le choix n’avait balancé qu’entre le roi d’Espagne Charles V et le roi de France François Ier. On ajoutait avec cir-