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corporelle, l’habileté à l’escrime, la défense de soi-marrie, exercée avec fureur, y étaient à l’ordre du jour. Et une pareille situation peut s’entretenir et se perpétuer par les plus vulgaires débauches. Les rapports des étudiants avec les habitants de ces villes, quelles que fussent les différences, s’accordaient en ceci, que le farouche étranger n’avait aucun égard pour le bourgeois, et se regardait comme un être à part, qui avait le privilège de la licence et de l’audace. A Leipzig, au contraire, un étudiant ne pouvait guère être que galant, dès qu’il voulait former quelques relations avec des habitants riches et polis.

Assurément toute galanterie, quand elle ne se produit pas comme fleur d’une grande et large vie, doit sembler étroite, stationnaire et ridicule peut-être, à la voir d’un certain côté. Aussi les chasseurs sauvages de la Saale se croyaient-ils très-supérieurs aux bergers apprivoisés de la Pleisse. Le Renommist de Zacharie sera toujours un précieux document où se reflète la manière de vivre et de penser de cette époque ; et, en général, ses poèmes doivent être bien accueillis de toute personne qui veut se faire une idée du caractère faible, mais aimable par son innocence et sa naïveté, de la société d’alors.

Les habitudes sont ineffaçables quand elles résultent d’une manière d’être générale, et, de mon temps, bien des choses rappelaient encore le poëme héroïque de Zacharie. A l’université, un seul de nos camarades se croyait assez riche et indépendant pour se moquer de l’opinion publique. Il fraternisait, le verre à la main, avec tous les cochers de louage, qu’il faisait asseoir dans leur voiture, comme s’ils étaient les messieurs, et qu’il menait lui-même, monté sur le siège. Parfois il trouvait charmant de les verser ; il payait généreusement les coupés brisés et les contusions, n’offensait d’ailleurs personne, mais semblait affronter le public en masse. Un jour, que le temps magnifique invitait à la promenade, il s’empara, avec un camarade, des ânes du meunier Thomas, et, en belle toilette, en culottes et souliers, ils firent gravement sur leurs montures le tour de la ville, au grand étonnement de tous les promeneurs, dont le glacis fourmillait. Quelques personnes sages lui ayant fait là-dessus des représentations, il assura d’un air candide qu’il avait seulement voulu voir quelle figure le Sei-