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ma propre expérience ; et, bien que les tendres couples forment ici la pluralité, je les invite à réfléchir si ce n’est pas un devoir social de songer à tout le monde. Pourquoi nous réunissons-nous en grand nombre, sinon pour prendre intérêt les uns aux autres ? Et comment la chose est-elle possible, s’il se forme dans notre cercle tant de petits aparté ? Je suis bien loin de rien méditer contre de si belles liaisons ou de vouloir y toucher seulement ; mais toute chose a son temps ! Belle et grande parole, à laquelle, il faut le dire, personne ne pense, lorsqu’il a trouvé un passe-temps qui le satisfait. » Il continua de la sorte, toujours plus vif et plus gai, opposant les vertus sociales aux sentiments tendres. « Ceux-ci, disait-il, ne peuvent jamais nous manquer ; nous les portons toujours en nous, et, sans exercice, chacun y devient maître aisément ; mais ceux-là, nous devons les rechercher, nous devons nous efforcer de les acquérir, et nous aurons beau faire des progrès dans ce genre, nous n’aurons jamais tout appris ! « Ensuite il passa aux particularités ; plusieurs sentirent l’aiguillon, et nous ne pouvions nous empêcher de nous regarder les uns les autres : mais notre ami avait le privilège de faire tout accepter doucement, et il put continuer sans être interrompu. « Il ne suffit pas de signaler le mal ; on a même tort de le faire, si l’on ne sait pas en même temps indiquer le moyen de rendre la situation meilleure. Je ne veux donc pas, mes amis, comme un prédicateur de carême, vous exhorter en général à la repentance et à l’amendement, je souhaite, au contraire, à tous les aimables couples le bonheur le plus long et le plus durable, et pour y contribuer moi-même de la manière la plus sûre, je propose de rompre et de suspendre pendant nos heures de société ces délicieux petits aparté. J’ai déjà songé à l’exécution, poursuivit-il, pour le cas où j’aurais votre approbation. Voici une bourse où se trouvent les noms des messieurs : tirez, mes belles demoiselles, et veuillez agréer pour huit jours, comme votre serviteur, celui que le sort vous adressera. La convention n’aura de force qu’au sein de notre cercle : aussitôt qu’il sera rompu, ces unions seront aussi rompues, et votre cœur pourra choisir celui qui vous ramènera chez vous. »

Beaucoup de personnes avaient trouvé fort divertissante cette