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donc je ne tardai pas longtemps à lui parler de la chose ; je soulageai mon cœur à conter et à répéter les plus petites circonstances de mon bonheur passé, et j’en retirai cet avantage, qu’en homme intelligent, il comprit que le mieux était de me faire connaître l’issue de l’affaire, et cela dans le plus grand détail, afin que j’eusse une idée claire de l’ensemble, et qu’où pût m’exhorter sérieusement et vivement à me remettre, à rejeter derrière moi le passé, et à commencer une vie nouvelle. Il en vint d’abord à me confier les noms d’autres jeunes gens de bonne famille qui s’étaient laissés entraîner d’abord à des mystifications téméraires, puis à de risibles contraventions de police, enfin à des escroqueries divertissantes et à d’autres friponneries pareilles. Il en était réellement résulté une petite conjuration, à laquelle s’étaient joints des hommes sans conscience qui commettaient des actes coupables, falsifiant des papiers, contrefaisant des signatures, et qui se préparaient à des actes plus coupables encore. Les cousins, sur lesquels je le questionnai enfin avec impatience, étaient tout à fait innocents ; ils avaient connu vaguement les autres, mais sans avoir eu avec eux de liaisons particulières. Le protégé que j’avais recommandé à mon grand-père (ce qui avait mis proprement sur ma trace) était un des plus mauvais ; il avait sollicité l’emploi principalement afin de pouvoir entreprendre ou cacher certaines friponneries.

Après tout cela, je ne pus me contenir plus longtemps, et je demandai ce qu’était devenue Marguerite, pour qui j’avouai sans détour la plus vive tendresse. Mon ami secoua la tête en souriant. « Rassurez-vous, répondit-il, cette jeune fille s’est très-bien justifiée, et a remporté un magnifique témoignage. On n’a rien pu trouver en elle que de bon et d’aimable. Les juges eux-mêmes l’ont prise en affection, et n’ont pu lui refuser, selon son désir, la permission de quitter la ville. Ce qu’elle a déclaré par rapport à vous, mon ami, ne lui fait pas moins d’honneur. J’ai lu moi-même sa déclaration dans les registres secrets, et j’ai vu sa signature. — Sa signature ! m’écriai-je, qui me rend si heureux et si malheureux ! Qu’a-t-elle donc déclaré ? Qu’a-t-elle signé ? » Mon ami hésitait à répondre, mais la sérénité de son visage m’annonçait qu’il ne cachait rien de fâcheux. « Puisque vous voulez le savoir, répondit-il enfin, quand il s’est agi