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breux enfants, et, depuis son union, tellement inséparable, qu’une fois déjà, dans un voyage de Venise à Florence, ils durent faire ensemble quarantaine aux frontières de Venise. Marie-Thérèse est reçue dans la ville avec enthousiasme, elle descend à l’auberge de l’Empereur romain, pendant que l’on dresse dans la bruyère de Bornheim le grand pavillon où l’on doit recevoir son époux. Là, pour les électeurs ecclésiastiques, il ne se trouve que celui de Mayence, et, pour les envoyés d’électeurs séculiers, que ceux de Saxe, de Bohème et de Hanovre. L’entrée commence, et ce qui peut lui manquer pour le complet et la magnificence est. largement compensé par la présence d’une belle femme. Elle est au balcon de la maison bien située ; elle crie vivat à son époux, elle lui bat des mains ; le peuple fait comme elle, dans l’enthousiasme qui le transporte. Après tout, les grands sont des hommes aussi, et le peuple, pour les aimer, veut se les figurer à son image, et cela lui est plus facile, s’il peut se les représenter comme de fidèles époux, de tendres parents, des frères affectionnés, des amis dévoués. On leur avait alors souhaité et prophétisé toute sorte de biens, et l’on en voyait aujourd’hui l’accomplissement dans ce fils premier-né, dont la jeune et belle figure attirait tous les cœurs, et qui, par les nobles qualités qu’il annonçait, faisait concevoir au monde les plus grandes espérances.

Nous étions absolument perdus dans le passé et l’avenir, quand des amis, qui survinrent, nous rappelèrent dans le présent. Ils étaient de ceux qui connaissent le prix d’une nouvelle, et se hâtent par conséquent de l’annoncer les premiers, Ils surent aussi nous rapporter un trait touchant de ces augustes personnages, que nous venions de voir passer en si grande pompe. Il avait été convenu qu’en chemin, entre Heusenstamm et le grand pavillon, l’empereur et le roi trouveraient dans la forêt le landgrave de Darmstadt. Ce vieux prince, qui approchait du tombeau, désirait voir encore une fois le maître auquel il s’était dévoué dans les années de sa force. Ils se rappelaient tous deux le jour où le landgrave avait porté à Heidelberg le décret des électeurs qui appelait François à l’empire ; ce jour, où il avait répondu par la promesse d’un inviolable attachement aux précieux présents qu’il recevait. Ces augustes person-