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lies inspirations, si bien que nous étions tous contents, on peut dire même heureux. Elle travaillait le jour chez la marchande de modes ; le soir, nous nous réunissions habituellement, et notre contentement ne fut pas même troublé par le chômage qui se lit sentir à la fin dans les commandes de poésies. Nous éprouvâmes cependant un sentiment pénible, un jour qu’une de ces pièces nous revint avec protêt, parce qu’elle ne plaisait pas au commettant. Mais nous nous en consolâmes, car nous la regardions justement comme notre meilleur ouvrage, et nous crûmes pouvoir déclarer cet homme un mauvais juge. Le cousin, qui voulait absolument s’instruire, proposa des tûches imaginaires, dont l’exécution ne laissa pas de nous amuser ; mais, comme elles ne rapportaient rien, nous dûmes réduire beaucoup la dépense de nos petits régals.

On parlait toujours plus sérieusement de la grande affaire d’État, l’élection et le couronnement du roi des Romains. Le collège électoral, convoqué d’abord à Augsbourg pour le mois d’octobre 1763, fut transféré à Francfort ; et, à la fin de cette année, ainsi qu’au commencement de l’autre, se firent les préparatifs qui devaient introduire cette affaire importante. Le début nous offrit une scène toute nouvelle pour nous. Un des employés de notre chancellerie parut à cheval, accompagné de quatre trompettes, à cheval comme lui, et entouré d’une garde à pied, et lut à haute et intelligible voix, dans tous les coins de la ville, un édit fort détaillé, qui nous informait de ce qui allait se passer, et recommandait aux bourgeois une conduite bienséante et convenable aux circonstances. Il y eut au conseil de grandes délibérations, et bientôt l’on vit paraître le maréchal des logis de l’Empire, envoyé par le maréchal héréditaire, pour régler et désigner, selon l’ancien usage, les logements des ambassadeurs et de leur suite. Notre maison se trouvait dans le quartier de l’électeur palatin, et nous dûmes nous préparer à recevoir de nouveaux hôtes, d’ailleurs très-agréables. L’étage du milieu, que le comte de Thorane avait occupé, fut remis à un cavalier palatin, et, comme le baron de Kœnigsthal, homme d’affaires de Nuremberg, avait loué l’étage supérieur, nous étions encore plus gênés qu’au temps des Français. Ce me fut un nouveau prétexte pour me tenir hors de chez nous, et pas-