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de l’empereur à Francfort pour le couronnement de son fils. L’artiste mettait très-habilement à profit le plaisir que j’avais d’apprendre à connaître ces choses, pour distraire le messager pressant et me détourner de mon objet. Il cherchait à me communiquer la connaissance de ces pierres, il m’en faisait remarquer les qualités, la valeur, si bien qu’à la fin je sus par cœur tout son bouquet, et que j’aurais pu aussi bien que lui le décrire avec éloge à un chaland. Il m’est encore présent aujourd’hui, et j’ai vu des joyaux de ce genre plus magnifiques, mais non plus agréables. Il possédait aussi une jolie collection de gravures et d’autres objets d’art, dont il aimait à parler, et je passais, non sans avantage, bien des heures auprès de lui. Enfin, quand le congrès fut tout de bon convoqué à Hubertsbourg, l’artiste fit un dernier effort en ma faveur, et la colombe et les fleurs parvinrent en effet dans les mains de ma mère pour la fête de la paix.

Je reçus plusieurs commissions semblables auprès de divers peintres, pour presser l’achèvement de tableaux commandés. Mon père s’était persuadé, et peu de gens étaient affranchis de ce préjugé, que. la peinture sur bois était bien préférable à la peinture sur toile. Il mettait donc un grand soin à se pourvoir de bonnes planches de chêne de toute forme, sachant bien que les artistes négligents s’en remettaient au menuisier pour cet objet important. Il recherchait les planches les plus vieilles, les faisait coller, raboter et préparer avec le plus grand soin par le menuisier, puis elles restaient des années serrées dans une chambre haute, où elles pouvaient sécher suffisamment. Une de ces précieuses planches fut confiée au peintre Junker, qui devait y représenter un vase magnifique avec les fleurs les plus remarquables, peintes d’après nature, dans sa manière élégante et gracieuse. On était justement au printemps, et je ne manquai pas de lui porter, plusieurs fois par semaine, les plus belles fleurs qui me tombaient sous la main. Il les intercalait aussitôt dans son ouvrage, et, de ces éléments, il composa peu à peu l’ensemble avec tout le soin et toute la fidélité possibles. Il m’arriva un jour de prendre une souris, que je lui portai, et, l’envie lui prenant de peindre un animal si mignon, il la reproduisit exactement, rongeant un épi de blé au pied du