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tiques qui puisse intéresser l’enfance et la jeunesse. Cependant, malgré mon inattention et ma répugnance, cette lecture m’a laissé tant de souvenirs que j’ai pu dans la suite y rattacher beaucoup de choses.

Au milieu de toutes ces occupations et de ces travaux hétérogènes, qui se succédaient si rapidement qu’on avait à peine le temps de se demander s’ils étaient bons et profitables, mon père ne perdait pas de vue son objet principal. Il cherchait à diriger vers les études juridiques ma mémoire et le don que j’avais de saisir et de combiner ; en conséquence, il me remit un petit livre en forme de catéchisme, que Hopp avait composé d’après la forme et le fond des Institutes. J’eus bientôt appris par cœur les demandes et les réponses, et je pouvais aussi bien jouer le catéchiste que le catéchumène ; et comme, dans l’enseignement religieux du temps, un des exercices principaux était d’apprendre à consulter la Bible de la manière la plus expéditive, on jugea également nécessaire que je fisse connaissance avec le Corpus juris, et bientôt j’y fus exercé parfaitement. Mon père voulut poursuivre, et j’entrepris le petit Struve ; mais, cette fois, les choses n’allèrent pas si vite. La forme du livre était trop peu favorable à un commençant pour qu’il pût se tirer d’affaire lui-même, et la manière d’enseigner de mon père n’était pas assez libérale pour m’intéresser.

L’état de guerre dans lequel nous étions depuis quelques années, la vie civile elle-même, la lecture de l’histoire et des romans ne nous prouvaient que trop clairement qu’il y a beaucoup de cas où les lois se taisent et ne viennent pas au secours de l’individu, qui doit pourvoir aux moyens de se tirer d’affaire. Nous étions sortis de l’enfance, et, suivant l’usage, nous dûmes, à côté des autres leçons, apprendre l’escrime et l’équitation, pour défendre notre peau, le cas échéant, et pour n’avoir pas à cheval l’air d’un écolier. L’escrime fut pour nous un exercice très-agréable, car nous avions su dès longtemps nous fabriquer des sabres de noisetier, joliment garnis de coquilles de saule, pour couvrir la main. Désormais nous dûmes nous fournir de lames d’acier, et ce fut, dans nos exercices, un cliquetis des plus vifs.

Il y avait à Francfort deux maîtres d’armes : un vieux et grave