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cependant le plaisir de voir heureusement placés, dans le château de son frère, ces tableaux, objets de ses soins assidus ; il nous écrivit quelquefois, envoya des mesures, et fit exécuter encore quelques travaux par nos artistes. Enfin, nous n’apprîmes plus rien de lui, sinon qu’on nous assura, bien des années après, qu’il était mort aux Indes occidentales, gouverneur des colonies françaises.




LIVRE IV.

Malgré toute la gêne que nous avait causée le séjour du lieutenant royal dans notre maison, nous y étions trop accoutumés pour ne pas sentir quelque vide après son départ, et les enfants durent trouver la maison bien morte. Au reste, nous n’étions pas destinés à revenir complètement à la vie de famille. Déjà de nouveaux locataires avaient arrêté l’appartement. Après qu’on eut un peu balayé et nettoyé, raboté et frotté, peinturé et badigeonné, la maison se trouva restaurée. Le directeur de la chancellerie, M. Moritz, et sa famille, excellents amis de mes parents, vinrent loger chez nous. M. Moritz n’était pas de Francfort. Habile jurisconsulte et praticien, il soignait les affaires juridiques de plusieurs petits princes, comtes et seigneurs. Je ne l’ai jamais vu autrement que joyeux, obligeant et assidu à ses affaires. La femme et les enfants, doux, tranquilles et bienveillants, n’étaient pas pour nous une compagnie, car ils vivaient retirés ; mais une tranquillité, une paix, que nous n’avions pas goûtées depuis longtemps, étaient revenues. J’habitais de nouveau ma mansarde, où je voyais parfois en idée cette foule de tableaux, que je cherchais à éloigner par l’étude et le travail.

Le conseiller de légation Moritz, frère du directeur de la chancellerie, fréquenta dès lors notre maison. Il était plus homme du monde, d’une figure remarquable et d’un commerce agréable et facile. Il soignait aussi les intérêts de plusieurs per-