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qui, dans un cercle d’amis, se montrait, par son incomparable gaieté, le plus aimable du monde ; mais qui, une fois à l’ouvrage, voulait travailler seul, tout à ses pensées et dans une entière liberté. Et cet artiste, après s’être acquitté d’une tache difficile, après l’avoir terminée avec le plus grand soin et le plus ardent amour dont il était capable, dut faire plus d’une fois le trajet de Darmstadt à Francfort, pour changer quelque chose à ses propres tableaux, ou peupler ceux d’autres artistes, ou même, avec son assistance, voir des mains étrangères ajouter force bigarrures à ses ouvrages. Son dépit augmenta, il résista tout de bon, et nous dûmes faire de grands efforts pour décider notre compère (car il l’était aussi devenu) à se plier aux désirs du comte. Je me souviens encore que, les caisses étant prêtes pour emballer tous les tableaux, rangés de manière que le tapissier n’eût plus qu’à les fixer au lieu de leur destination, une retouche peu considérable, mais absolument nécessaire, fut demandée, et qu’on ne put décider Seekatz à revenir. En effet, il avait rassemblé tous ses moyens pour en finir, en peignant d’après nature, pour des dessus de porte, les quatre éléments, sous la figure d’enfants et de petits garçons, et il avait traité avec le plus grand soin, non-seulement les figures, mais aussi les accessoires ; ce travail était livré, payé, et l’artiste croyait en avoir fini tout de bon ; mais on réclama de nouveau sa présence pour agrandir, avec quelques coups de pinceau, certaines figures dont les proportions étaient un peu trop petites. Un autre pouvait, au dire de Seekatz, faire la chose à sa place ; il avait entrepris un nouveau travail : bref, il ne voulait pas revenir. On était à la veille de faire l’expédition ; on attendait seulement que la peinture fût sèche ; tout retard était fâcheux ; le comte, au désespoir, voulait faire amener l’artiste par la force armée. Nous désirions tous de voir enfin les tableaux partir : pour dernier expédiait, notre compère l’interprète partit en voiture, et ramena, avec femme et enfants, l’artiste récalcitrant, à qui le comte fit une bonne et amicale réception, et qu’il renvoya généreusement récompensé.

Après le départ des tableaux, une grande paix régna dans la maison. On nettoya la mansarde ; elle me fut rendue, et mon père, en voyant partir les caisses, ne put réprimer le désir