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limaçon qu’il voit dans l’angle. Cachons-nous : je me placerai de manière qu’à chaque moment ma balle puisse aller au secours du petit garçon.

— Précautions superflues : Dieu et notre adresse, la piété et le bonheur, feront pour le mieux.

— Soit ! reprit le garde, mais je connais mes devoirs. Je vous mène d’abord par un sentier difficile sur les murs, vis-à-vis de l’entrée que j’ai dite ; l’enfant pourra descendre, comme dans l’arène du spectacle, et il attirera dans ce lieu l’animal apaisé. »

C’est ce qui fut exécuté. Le garde et la mère, cachés, observèrent d’en haut comme l’enfant, après avoir descendu l’escalier en limaçon, se montra dans la cour éclairée, et disparut vis-à-vis dans l’ouverture sombre, puis aussitôt fit entendre sa flûte, dont les sons se perdirent par degrés et enfin cessèrent. Ce fut une pause pleine d’anxiété. Cette étrange situation oppressait le vieux chasseur, familiarisé avec le danger. Il se disait qu’il aurait préféré aller en personne à la rencontre du redoutable animal. Pour la mère, penchée en avant et le visage serein, elle prêtait l’oreille, sans laisser paraître la moindre inquiétude.

Enfin on entendit de nouveau les sons de la flûte ; l’enfant sortit de la voûte, les yeux brillants de joie. Le lion marchait derrière lui lentement et, à ce qu’il semblait, avec quelque peine. Il témoignait par moments le désir de se coucher ; mais l’enfant le conduisit en demi-cercle, à travers les arbres, encore peu dépouillés de leurs feuilles nuancées ; enfin il s’assit dans un lieu où les derniers rayons du soleil, pénétrant par une brèche, lui faisaient comme une auréole ; il reprit alors sa chanson calmante, que nous aimons à répéter :

« Ici, dans la fosse, j’entends sortir de la tombe le chant du prophète ; les anges balancent leurs ailes pour le fortifier. Le juste pourrait-il craindre ? Le lion et la lionne viennent de part et d’autre se courber autour de lui ; les chants pieux et doux les ont charmés. »

Cependant le lion s’était couché tout près de l’enfant, et lui avait posé lourdement sur les genoux la patte droite antérieure ; l’enfant, continuant de chanter, la caressait doucement, mais il remarqua bientôt qu’une épine était plantée entre les doigts.