Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/537

Cette page n’a pas encore été corrigée

par malheur, justement aux endroits du corps qui restent fixes quand l’homme s’assied ; au contraire, les jointures qui auraient dû se plier conservèrent leur rigidité. 11 fallait rire ou détourner les yeux ; cet objet équivoque, moitié figure, moitié masse informe, était affreux à voir.

L’homme à la lampe fit descendre de l’autel et conduisit droit au roi de bronze le jeune homme, toujours engourdi et le regard fixe. Aux pieds du puissant prince était une épée dans un fourreau de bronze. Le jeune homme l’attacha à sa ceinture.

« L’épée à gauche, la droite libre ! » s’écria le puissant roi.

De là ils s’avancèrent vers le roi d’argent, qui baissa son’ sceptre vers le jeune homme. Celui-ci le prit de la main gauche, et le roi lui dit d’une voix amicale :

« Paissez les brebis. »

Lorsqu’ils arrivèrent au roi d’or, il posa, de sa main paternelle, sur la tête du jeune homme, la couronne de chêne, et lui dit en le bénissant :

« Reconnais le bien suprême ! »

Pendant cette promenade, le vieillard avait observé attentivement le jeune homme. Après qu’il eut ceint le glaive, sa poitrine s’était élevée, ses mains se mouvaient et ses pieds foulaient le sol avec plus de fermeté ; lorsque le sceptre eut passé dans sa main, sa force avait paru prendre de la douceur, et, par un charme inexprimable, devenir encore plus puissante ; mais, quand la couronne de chêne décora sa chevelure bouclée, ses traits s’animèrent, son œil brilla d’une ineffable intelligence,.et le Lis fut le premier mot qui sortit de sa bouche.

« Beau lis ! s’écria-t-il, en montant au-devant d’elle sur les degrés d’argent, car elle avait assisté à sa promenade du balcon de l’autel, Lis adoré, l’homme qui a reçu tout en partage, que peut-il souhaiter de plus précieux que l’innocence et la secrète affection que m’apporte ton cœur ?

« 0 mon ami, poursuivit-il, en se tournant vers le vieillard et regardant les trois statues sacrées, il est magnifique et assuré, l’empire de nos pères ; mais tu as oublié la quatrième puissance, dont l’empire sur le monde est plus ancien encore, plus général, plus certain : la puissance de l’amour. »