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Le vieillard le promit, et, là-dessus, il dit au Beau lis : « Touché le serpent de ta main gauche et ton amant de la main droite. »

Le Lis se mit à genoux ; elle toucha le serpent et le corps inanimé. A l’instant même, le jeune homme parut revenir à la vie ; il remua dans la corbeille ; il se redressa même et s’assit. La belle voulut l’embrasser ; mais le vieillard la retint ; il aida le jeune homme à se lever, et le soutint, comme il sortait de la corbeille et du cercle.

Le prince était debout, le serin voltigeait sur ses épaules ; la vie leur était revenue à tous deux, mais pas encore l’esprit ; le bel ami avait les yeux ouverts et ne voyait pas, du moins il semblait regarder tout avec indifférence. A peine la surprise causée par cet événement fut-elle un peu apaisée, qu’on remarqua tout à coup la singulière métamorphose que le serpent avait subie. Son beau corps, à la forme élancée, s’était séparé en mille et mille brillantes pierreries ; la vieille, en voulant prendre sa corbeille, l’avait heurté par mégarde, et l’on ne voyait plus rien de la forme du serpent, mais seulement un beau cercle de pierres étincelantes, semées sur le gazon.

Aussitôt le vieillard se disposa à les recueiilir dans la corbeille ; sa femme dut l’aider dans ce travail. Puis ils portèrent tous deux la corbeille au bord de l’eau dans un endroit élevé, et le vieillard, au grand chagrin de la belle et de sa femme, qui auraient fort désiré d’en choisir quelques-unes pour elles, jeta toute la charge dans la rivière. Gomme des étoiles scintillantes, les pierres voguèrent avec les flots, et l’on ne put distinguer si elles se perdirent dans le lointain ou si elles enfoncèrent.

« Messieurs, dit là-dessus avec respect le vieillard aux feux follets, je vous montre maintenant le chemin, et je vous fraye le passage ; mais vous nous rendrez le plus grand service, en nous ouvrant la porte du sanctuaire, par où nous devons entrer cette fois, et que vous seuls pouvez ouvrir. »

Les feux follets firent une révérence polie et se tinrent en arrière. Le vieillard à la lampe avança le premier dans le rocher, qui s’ouvrait devant lui ; le jeune homme le suivit, comme par une impulsion machinale ; le Beau lis marchait à quelque distance derrière lui, incertaine et silencieuse ; la vieille ne vou-