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Ils étaient à peine sur l’autre bord, que le pont commença à se balancer et se mouvoir ; il ne tarda pas à toucher la surface de l’eau, et le serpent vert, dans sa véritable forme, rampa sur la terre à la suite des voyageurs. Comme ils venaient de le remercier d’avoir pu franchir la rivière sur son dos, ils observèrent qu’il devait se trouver avec eux dans la compagnie plusieurs personnes encore, mais qu’ils ne pouvaient voir de leurs yeux. Ils entendaient à leurs côtés un chuchotement, auquel le serpen’, répondait de son côté en chuchotant. Ils prêtèrent l’oreille, et finirent par saisir les paroles que voici :

« Nous commencerons, disaient deux voix tour à tour, par chercher incognito dans le parc le Beau lis, et nous vous prions de vouloir bien, à la tombée de la nuit, aussitôt que nous serons un peu présentables, nous produire devant cette beauté parfaite. Vous nous trouverez au bord du grand lac»

— C’est convenu, » répondit le serpent, et un sifflement se perdit dans l’air.

Alors nos trois voyageurs s’entendirent sur l’ordre dans lequel ils se présenteraient devant la belle : en effet un grand nombre de personnes pouvaient bien se trouver autour d’elle, mais elles devaient arriver et se retirer une à une ; sinon elles avaient à souffrir de sensibles douleurs.

La femme au chien métamorphosé s’approcha la première du jardin, et chercha sa protectrice, qu’elle trouva aisément, car elle chantait dans ce moment, en s’accompagnant de la harpe ; les doux sons se produisirent d’abord comme des anneaux, à la surface du lac tranquille, puis, comme un souffle léger, ils mirent le gazon et les bocages en mouvement. Dans l’enceinte d’une verte pelouse, à l’ombre d’un groupe magnifique d’arbres divers, elle était assise, et, dès l’abord, elle enchanta de nouveau les yeux, l’oreille et le cœur de la femme, qui s’approcha d’elle avec ravissement, et jura en elle-même que la belle était devenue plus belle encore en son absence. La bonne femme adressa de loin à l’aimable jeune fille ses salutations et ses hommages.

« Quel bonheur de vous voir ! Quelle félicité céleste répand autour de vous votre présence ! Que la harpe s’appuie avec grâce contre vos genoux ! Que vos bras l’entourent doucement ! Comme elle semble se pencher avec désir vers votre sein ! Et