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prononcée la sentence paradoxale que Dieu lui-même éprouve plus de joie pour un pécheur converti que pour quatre-vingtdix-neuf justes.

Mais, hélas ! les bonnes résolutions de Ferdinand, son amendement et la réparation qu’il méditait ne purent empêcher les tristes conséquences de son action ; elles l’attendaient et allaient encore affliger cruellement son cœur apaisé. Pendant son absence s’était amassé l’orage qui, dès son arrivée, devait éclater dans la maison paternelle.

Le père de Ferdinand, nous le savons, ne tenait pas fort exactement sa caisse particulière ; mais les affaires de commerce étaient soignées parfaitement par un associé habile et ponctuel. Le père ne s’était pas d’abord aperçu qu’on lui avait soustrait de l’argent, sauf qu’il s’y était trouvé par malheur un paquet d’espèces nouvelles dans le pays, qu’il avait gagnées au jeu à un étranger. Ces espèces lui manquaient, et cette circonstance lui parut suspecte. Cependant ce qui l’inquiétait au plus haut point, c’est qu’il lui manquait certains rouleaux, chacun de cent ducats, qu’il avait prêtés quelque temps auparavant, et qu’on lui avait certainement rendus. Il savait qu’un choc avait pu ouvrir le bureau ; il regarda comme certain qu’il était volé, et là-dessus il entra dans une violente colère. Ses soupçons se portèrent de tous côtés. Il rapporta le cas à sa femme, en faisant les menaces et les imprécations les plus effroyables ; il voulait mettre sens dessus dessous toute la maison, faire interroger enfants, valets et servantes ; nul n’échappait à ses soupçons. Sa bonne femme fit tout son possible pour le calmer ; elle lui représenta dans quel embarras et quel discrédit cette histoire, une fois ébruitée, pourrait le mettre lui et sa maison ; les gens, lui disait-elle, ne prennent part au malheur qui nous atteint, que pour nous humilier par leur compassion ; dans une pareille occasion, ils ne seraient épargnés ni l’un ni l’autre ; on pourrait faire encore des réflexions plus étranges, si rien n’était éclairci ; on parviendrait peut-être à découvrir le coupable, et, sans le rendre malheureux pour la vie, à recouvrer l’argent.

Par ces représentations et d’autres encore, elle décida enfin son mari à demeurer tranquille et à s’enquérir de la vérité par des recherches secrètes.